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27 février 2023 1 27 /02 /février /2023 10:17
Brasillach à Collioure

Brasillach à Collioure

Critique du livre de P. Assouline :

 

L'épuration des intellectuels – Brasillach

 

            Le livre de Pierre Assouline, L'épuration des intellectuels, publié en 1996, aux éditions Complexe (poche n°105) est un ouvrage courageux, qui s'attaque à un tabou. A l'occasion de l'acquisition de romans introuvables du romancier-poète et collabo-nazi notoire chez le bouquiniste d'Amélie-les-bains, j'ai voulu me replonger dans cette histoire trouble. 

 

   Assouline présente et analyse les procès des journalistes et écrivains français des années quarante: de Maurras, Béraud, Luchaire et surtout Brasillach, né à Perpignan (hélas), quai Vauban. Cette étude pose la question de la responsabilité des écrivains : quel est le poids des mots, peut-on écrire impunément... Bien sûr, il est facile de juger, de critiquer, de jouer au moraliste; avec la distance, l'absence de danger, faire le juste, le républicain, c'est aisé...Mais que chacun de nous se demande : en 1940, sous le joug fasciste, sous le régime de Vichy, qu'aurais-je fait? Quelle aurait été mon attitude..?

 

 Brasillach, l'esthète, l'helléniste, le lyrique de la prison de Fresnes, était surtout un individu sordide, délateur, lâche dénonciateur, journaliste à "Je suis partout", journal de droite extrême. Pour résumer : un salaud extrême, beaucoup moins bon écrivain que Céline, autre antisémite de ces années de guerre, de haine et d'extermination programmée. 

 

 Le procès de Brasillach eut lieu le 19 janvier 1945 et il fut condamné à mort, en dépit d'une pétition d'écrivains de renom en sa faveur (ou qui étaient, par principe, opposés à la peine de mort, tel Camus) Il fut fusillé le 6 février au fort de Montrouge et ceux qui regrettèrent cette mise à mort estimaient peut-être que ce Robert-là, ce Robert-le-diable, serait devenu un grand écrivain; on en doute, mais la haine et l'instinct du mal font souvent de bons romanciers : comme dit l'autre, pas de bonne littérature avec de bons sentiments...

 

 Le général de Gaulle refusa de gracier Brasillach et s'expliqua ainsi : "J'ai dérogé au principe que je m'étais fixé : je n'ai pas commué sa peine. S'il a été fusillé en ce main glacial...malgré les appels de ses confrères les plus méritants, c'est que, lui, j'estimais le devoir à la France. Cela ne s'explique pas. Dans les Lettres aussi, le talent est un titre de responsabilité et il fallait que je rejette ce recours-là..."

 

 C'est Claude Lanzmann, encore (ses Mémoires "Le lièvre de Patagonie" alimentent mes chroniques, tellement ce livre est riche) auquel je dois me référer pour écrire sur Brasillach, avant de revenir à P. Assouline. En effet, l'ami de Sartre, l'amant de S. de Beauvoir, le directeur des "Temps modernes", évoque (pages 131, 132 et 264, Gallimard, , 2009) son inscription, en janvier 1945, son internat en classe de lettres supérieures au lycée Louis-Legrand: "Le soir de mon arrivée, une réunion s'organisa dans la salle d'études, presque spontanément, pour protester contre le procès de Brasillach, qui devait s'ouvrir dans les tout prochains jours. A ma stupéfaction, la majorité des internes des deux khâgnes... proposa de donner le nom de Brasillach à une de nos salles, la mienne en l'occurrence..." Lanzmann, angoissé, intimidé, resta silencieux : il ne comprenait rien aux "lauriers dont on couvrait le talent de Brasillach, qui l'absolvaient du pire et je n'osais intervenir au milieu de ces jeunes bourgeois qui suintaient la légitimité par tous les orifices..." 

 

Avec son "Histoire du cinéma" et ses "Poèmes de Fresnes", il restera peut-être de cet idéologue inexcusable, une "épopée fasciste", celle des Cadets de l'Alcazar : en effet, Brasillach y fait revivre le siège de Tolède par les Républicains, bombardant les franquistes commandés par le fameux (et courageux!) colonel Moscardo. Ce militaire sacrifia son fils et refusa de se rendre; il  adressa à l'adolescent de 17 ans cette parole forte : "Pour sauver ta vie, ils veulent me prendre l'honneur. Non, je ne livrerai pas l'Alcazar!" (cité par C. Lanzmann, dans "Le lièvre de Patagonie", page 264) 

 

 Pierre Assouline éclaire le cas Brasillach, en citant ceux, 59 neufs artistes et écrivains, qui signèrent un "recours en grâce",  une pétition en sa faveur, tels P.Valéry, F. Mauriac, Jean Paulhan, Paul Claudel, Jean-Louis Barrault, Colette, Honneger...et Albert Camus. Celui-ci, écrivain républicain issu de la Résistance, argumente et pose le problème de l'épuration :  "Qui oserait parler ici de pardon? Puisque l'esprit a enfin compris qu'il ne pouvait vaincre l'épée que par l'épée, puisqu'il a pris les armes et atteint la victoire, qui voudrait lui demander d'oublier? Ce n'est pas la haine qui parlera demain, mais la justice elle-même fondée sur la mémoire." Journal Combat du 17.8.1944) Il est évident que Camus n'a pas signé pour Brasillach pour exprimer une quelconque pitié à son égard, mais pour rester logique dans sa démarche et dans sa lutte contre la peine de mort. 

 

 Parmi ceux qui furent d'accord avec la décision du Général de Gaulle, il faut citer Simone de Beauvoir qui ne pouvait oublier que Brasillach n'a pas hésité, lui, par ses articles et ses dénonciations, de condamner à mort des Résistants ou des intellectuels juifs, républicains... Elle écrit ainsi : "C'est de ces amis morts (Desnos, Cavaillès, Politzer) ou moribonds que j'étais solidaire; si j'avais levé le doigt en faveur de Brasillach, j'aurais mérité qu'ils me crachent au visage. Pas un instant, je n'hésitais, la question ne se posa même pas. "  (La force des choses, page 37, folio-Gallimard, 1963)

 

JPB

Retour sur la polémique à propos de Brasillach et du livre publié par le CD66 de l'époque (l'Encyclopédie illustrée du pays catalan, publiée par Privat )

 

 


Brasillach réhabilité à domicile

Dans une encyclopédie du conseil général des Pyrénées-Orientales.

par Edouard WAINTROP -LIBERATION

 

publié le 17 janvier 2003 à 21h52

Le 28 novembre dernier, le socialiste Christian Bourquin présente avec fierté son bébé : l'Encyclopédie illustrée du pays catalan, publiée par Privat et le conseil général des Pyrénées-Orientales qu'il préside. «Une photographie de la situation contemporaine de notre département...», déclare-t-il à la presse.

Le scandale éclate quand le journaliste Fabrice Thomas, du site perpignan-toutvabien.info, s'aperçoit que les pages littéraires signées par André Bonet, président du Centre méditerranéen de la littérature, abritent la réhabilitation d'un écrivain né à Perpignan, Robert Brasillach. Bonet (*) vante notamment les qualités de «littérateur» de celui-ci en faisant largement l'impasse sur son passé de collaborationniste durant l'Occupation.

 

Victime? En effet, si l'auteur écrit que Brasillach s'est «lourdement trompé», c'est pour en faire la victime d'une «tragédie». Pas d'explication concrète sur la nature de cette dernière. Le lecteur de l'encyclopédie ne saura donc pas que Brasillach s'est tourné très tôt, avant même la guerre, vers le fascisme et l'apologie du nazisme. Il ne lira pas non plus que le Perpignanais a toujours fait montre d'un antisémitisme virulent («Il y a des juives grasses et des juives maigres, deux espèces de vermine», «La juiverie capitaliste et bolchevik a plus d'un tour dans son sac»...).

 

Pronazi, avocat de la collaboration la plus étroite avec l'occupant, il fut condamné à mort après la guerre. François Mauriac prit alors la tête d'une campagne qui visait à lui sauver la vie. Albert Camus y participa parce qu'il était contre la peine de mort, mais sans cacher son mépris pour l'écrivain («que je tiens pour rien») et l'individu («que je méprise de toutes mes forces»). De Gaulle refusa la grâce. Brasillach fut fusillé.

 

Le PS persiste. Perpignan-toutvabien.info rappelle ces faits et demande à Christian Bourquin si les 2 000 ouvrages acquis avec des fonds publics seront distribués dans les collèges. La question est relayée par le Parti communiste, allié des socialistes au conseil général, qui demande la révision de la délibération de la séance du conseil qui a permis cette acquisition. Le socialiste Christian Bourquin, lui, n'a toujours pas cillé. Il a même persisté et signé en offrant, le 11 janvier, le livre dédicacé au maire de Perpignan, l'UMP Jean-Paul Alduy.

 

(*) Depuis, Robert Triquère (directeur des éditions Balzac) m'a confié que c'était lui qui avait rédigé l'"article sur Brasillach, et non André Bonet...

 

 

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Perpignan : l’extrême droite relance Robert Brasillach

L'écrivain de la collaboration est revendiqué par le groupuscule "Jeunesses Nationalistes"

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Rédaction -La CLAU
12/05/2013 00:45 

 

La figure de l’écrivain d’extrême droite perpignanais Robert Brasillach, collaborationniste lors de la Seconde Guerre mondiale, refait discrètement surface en Pays Catalan. Le nom du romancier et rédacteur en chef du journal Je suis partout, jugé pour ses écrits puis fusillé en 1945, est en effet celui d’un groupuscule territorial de l’organisation politique lyonnaise Jeunesses Nationalistes. Dans une déclaration publiée par l’hebdomadaire antisémite et régulièrement négationniste Rivarol, son responsable, Paul-Robert Letfor, évoquait en mars 2012 la création des Jeunesses Nationalistes Roussillon, Section Robert Brasillach, afin de « proposer ou plutôt imposer une alternative crédible et réaliste au système ploutocrate ». Ce groupe quasi-anonyme hormis sa tête, sans ambiguïté proche du néo-fascisme et du pétainisme, se réunit mensuellement. Anecdotique mais réelle, cette résurgence de Brasillach s’accompagne de l’invitation incantatoire du leader aux « Catalans », qu’il souhaiterait voir mener « un long mais victorieux combat, sur votre terre pour la nation française ».

 

Un groupe à droite du Front National

Les Jeunesses Nationalistes, qui revendiquent « L’action sans concession », étaient présentes le 9 mai dans le centre ville de Perpignan, à l’occasion d’une distribution de tracts. Le message imprimé, comportant la mention « maîtres chez nous », révèle une stratégie de confrontation employée par le Front National à l’époque de Jean-Marie Le Pen, avant le toilettage progressivement opéré depuis l’élection présidentielle de 2002, puis confirmé depuis 2011 par sa fille Marine. Plus dures, et puisant dans les racines de l’extrême droite française de la première moitié du XXe siècle, les Jeunesses Nationalistes espèrent attirer à elles les déçus d’une extrême droite qu’elles estiment édulcorée, car trop affairée à séduire sur son aile « gauche ». Leur président, Alexandre Gabriac, anciennement membre du FN, dénonce de « nouvelles orientations néfastes » au sein de ce parti, qui « laisse derrière lui de très nombreux

 

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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