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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 21:03

L'Espoir et « Une sorte de suite  de l’Espoir »

 

 

 

L'Espagne éternelle a donné des chefs-d'oeuvre à la culture mondiale.

Dans l'Espagne de la guerre civile, pour Malraux, l'art et l'action se confondent.

 

Malraux a  réellement combattu en Espagne, en créant l' escadrille España (cf. le  témoignage de Paul Nothomb :  "Malraux en Espagne", publié en 1999) : bombardements sur le front de Teruel.(en particulier, mais pas seulement)

 

Dans la guerre, il a le sentiment d'être efficace.

L'Espoir de 1937 est destiné à un public qui n'avait pas encore connu la fin de la guerre civile.

 

Son roman : Malraux s'engage dans un récit vers une fin qu'il ignore; ce n'est pas un journal de guerre, mais une élaboration romanesque durant l'événement.

Il s'agit d'un roman épique, tragique, dont l'issue n'est pas dite.

 

Le roman s'inscrit dans le temps de la mémoire. Un petit rappel est nécessaire :

   1936, c'est le front populaire en France et en Espagne; Malraux milite dans des organisations antifascistes : en 34, il est en URSS avec d'autres intellectuels, comme Gide…

 

Le 17 mai 36, il est invité par le gouvernement espagnol et son ami José Bergamin; il se rend pour la première fois en Espagne. Il est reçu par Lorca, Juan-Jamon Jimenez, Machado…

 

Il se demande : comment faire agir ensemble les catholiques et les communistes ? "Nous pouvons nous réunir dans la vie."

 

En 1934, c'est la révolte dans les Asturies (cf. Camus, sa pièce de théâtre) et une répression sanglante. Le gouvernement a armé le peuple et sauvé trois capitales : Madrid, Barcelone et Bilbao.

 

Il s'agit pour lui de légitime défense de la part des Républicains et d'un combat pour la démocratie. Mais faut-il passer à la révolution tout de suite quitte à effrayer des hésitants qui, alors, iraient vers Franco..? Il déclare : "La révolution, c'est pour plus tard; il faut d'abord gagner la guerre."

 

Dilemme : chaque solution est incarnée par un personnage romanesque.

 

En France, Pierre Cot est partisan d'une aide; mission officieuse de Malraux :fournir des armes et des pilotes. Malraux achète des avions anciens, non conçus pour la guerre et il recrute des mercenaires.

 

Malraux a 35 ans. Clara refuse le divorce et veut l'accompagner en Espagne: elle complique sa vie de combattant; surtout elle l'empêche de voir Josette Clotis (1), qu'il a emmenée à Madrid. Elle va dactylographier le texte de L'Espoir.

 

En avril 36, il est à l'aéroport de Madrid, où il forme l'escadrille España, composée de cinq membres au début, puis de cent trente. Il s'engage dans trois missions militaires : à Medelin, le batailles de Tolède et de Teruel (décembre 36)

 

Comme l'écrivit Hemingway : "On se battait pour Dieu et pour le diable."

 

En novembre 36, on remercie les mercenaires; on structure les Brigades internationales : l'escadrille s'appelle "A.M."

 

Les Soviétiques aident, mais ils  installent une politique parallèle qui liquide les militants du POUM et les anarchistes; c'est dramatique mais un détail pour Malraux; il est condamné par Trotski (cf la figure sinistre d'André Marty, qui apparaît dans Pour qui sonne le glas).

 

Gide, ami de M. va publier son Retour d'URSS. Malraux conseille à Gide de ne publier ce brûlot qu'à la fin de la guerre…

 

Il commence à ébaucher le roman à Malaga. Fin 37, il est aux USA pour pour une tournée de conférences dont les bénéfices permettraient d’acheter des armes et des médicaments nécessaires aux républicains espagnols.

 

Puis il se rend à Vernet-les-Bains…où il travaille sur son roman.

 

Fin juillet 1937, il retourne à Barcelone, et va ensuite à Valence au 2° congrès des écrivains pour la liberté : "Cette guerre a un sens, la défense de la culture."

 

En décembre 37, il publie L'Espoir sur les huit premiers mois de la guerre civile (15 mois avant la fin de la guerre).

 

C'est le roman de la fraternité, une mosaïque de trente personnes : le communiste, l'anarchiste, le paysan, l'intellectuel…On trouve peu de personnages féminins : ce sont des figures furtives. Malraux multiplie les voix narratives autonomes : chacun a sa vérité.

 

L'illusion lyrique des premiers chapitres avec les premières victoires de la République: on organise l'Apocalypse (révélation). Manuel, le communiste, est mis en valeur : "L'héroïsme des anarchistes est hors de saison."

 

La fraternité est présente jusqu'à la fin du roman. "L'espoir est l'ennemi numéro 1 de l'absurde."

 

    Le 20.7.1938, démarre le tournage de "Sierra de Teruel"; ce n'est pas une adaptation du roman, une nouvelle oeuvre; les 2/3 sont tournés en Espagne, mais en janvier 39 la Catalogne est occupée…Le film est monté dans les studios de Joinville.

 

    - - -

 

A ce stade de sa conférence, E. Kouchkine nous fait part de la lettre inédite de Malraux, retrouvée à Moscou, grâce à « Bola », l'interprète de l'écrivain en 1943 : Malraux la retrouvera ensuite à Barcelone et à Figueras…

 

   Il note ce dicton espagnol quelque peu énigmatique rapporté par « Bola » :

C’est toujours ça, la vie, ma petite : on croit que c’est un tango, et puis c’est un fandango… » (OC II, p.600) Dans la note suivante : « Teruel est tombée » 

 

    Cette danse, suggérant le rythme, l'intensité, la volupté de cette danse andalouse, exécuté au son de la guitare par un ou plusieurs danseurs marquant la mesure à l'aide de castagnettes. Cette danse, dont l'origine provient peut-être du "fado", est évoquée par d'autres écrivains. (2)

 

    En 1943, Malraux abandonne le projet d'écrire une suite à L'Espoir. Il n'écrira pas "l'immense attente de la défaite." Seuls, quelques chapitres, publiés dans la récente édition des Oeuvres dans La Pléiade, peuvent être, désormais, parcourus. (3)

 

  Il reviendra à l'Espagne dans Lazare, où trois pages évoquent les scènes de la guerre civile. De même, dans Hôtes de Passage, Malraux choisit un interlocuteur, l'écrivain et homme de culture et de théâtre, Max Torres dont le prototype aurait été Max Aub. Par la suite,  Malraux reprend son essai sur Goya. Enfin, l'Espagne refait surface dans les dernières oeuvres (cf. La Tête d'obsidienne, consacré à Picasso).

 

    S'il revient à l'Espagne dans les textes, Malraux ne reviendra pas, de façon réelle et personnelle : il refusera de poser le pied sur le territoire franquiste, alors qu'il se trouve sur le bateau "Le Mermoz", au large de Cadix, une photo le montrant en train de lire sur le pont Contre tout espoir du poète Mendelstan, mort lors des répressions staliniennes…

 

   S'opèrent en Malraux et son écriture "le travail de deuil", selon la belle formule de J. Semprun… 

« La guerre d’Espagne s’éloigne, disait Malraux quelques années avant sa mort, mais elle reste en mon âme mystérieusement vivante ».

 

   (Conférence par Eugène Kouchkine, à Vernet-les-Bains, le 24 octobre 2014 - Salle de l'Office de Tourisme, de 18h à 20h)

- - - - -

    

(1) Pour cet épisode et la liaison Josette Clotis/André Malraux voir le chapitre de Jean-Pierre Bonnel, dans son livre Balades culturelles en Catalogne, Presses du Languedoc)

 

 

 (2) Ainsi, par Gide, dans son Journal de 1931 : "J'ai le plus grand mal à me mettre dans la tête le Fandango de Granados…je suis encore loin  de pouvoir le jouer de manière qui me satisfasse…"  De même, par Montherland, dans La petite Infante de Castille : "Le fandango est tantôt frénétique et tantôt lourd, lourd comme ce Valdepeñas au goût de poix. Quand la jambe se soulève, avec la plus fière lenteur, et prend appui sur le sol pour faire tourner le corps, l'Andalouse anglo-juive a le piaffement des grandes cavales fabuleuses." 

 

(3) Passages sur Banyuls, le 14.7.1938, et sur Figueres, en 1939…. A la fin de ces inédits, et dans les derniers discours de l'écrivain, sont notées des images de vieilles femmes espagnoles, avec leurs larmes, leur chagrin...

 

 

* Compte-rendu de J.P.Bonnel 

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L
Un grand moment à Vernet, sous le Canigou, avec Eugène K.
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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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