Pour Valentine - Poèmes de JEAN IGLESIS
Elle
Elle
A la chevelure insoumise,
Aux yeux donnant sur la tendresse,
Aux lèvres gercées par l'hiver...
Elle
Dont les paroles sont autant de rayons de soleil
Que les silences sont des jours de pluie...
Elle
Qui sourit à ma venue
Et sanglote à mon départ...
Elle
Qui est à chaque jour présente à mes côtés
Pour me faire oublier les tourments de la vie...
Femme
Longtemps, j'ai erré sur les rives de l'ennui.
Longtemps, j'ai crié ton nom aux vents du hasard.
Je t'ai appelée dans les matins froids.
Je t'ai appelée dans les soirs fiévreux,
Femme.
J'ai rencontré des sirènes qui chantaient comme toi.
J'ai connu des amours qui aimaient comme toi.
J'ai contemplé des feux qui se consumaient comme toi.
J'ai cru en des mensonges qui auraient pu être les tiens,
Femme.
Dans ma quête sans fin, j'avais foi en ta découverte.
J'aurais tout renié pour pouvoir étreindre ta main.
Je me serais tu à jamais pour pouvoir t'entendre.
Je serais devenu aveugle pour t'avoir comme canne ou comme chien,
Femme.
Je t'ai donné le visage d'une de ces madones qui peuplent les églises et qui éclairent le cœur des manants de leur seule présence.
Je t'ai donné la voix de la mère qui chante pour apaiser l'enfant qui a peur de s'endormir.
Je t'ai donné le pas de l'étrangère qui passe dans l'indifférence et que l'on reconnaît soudain, au détour d'un éclat de rire. retrouvée, redécouverte, ressuscitée.
Je t'ai donné le parfum qu'ont au printemps les prés, bénis et rebaptisés par la rosée du matin,
Femme.
Au cri du mot amour,
J'ai accroché ton sourire dans mon ciel sans astre
Pour le meilleur des soirs de noces
Et pour le pire des jours sans pain,
Femme.
Je t'aime pour tes yeux...
Je t'aime pour tes yeux, pareils à des miroirs
Dans lesquels j'entrevois mon image docile.
Ton amour me pétrit comme on pétrit l'argile
Et me rend plus heureux, meilleur au fil des soirs.
Je t'aime pour tes yeux, tels deux lumières vives
Qui guident mon navire en cette obscurité
Où je confonds sans fin mensonge et vérité...
Quand tes bras suppliants ressemblent à des rives.
Je t'aime pour tes yeux, creusant au fond de moi
Pour extraire au grand jour l'homme que tu passionnes,
Mélancolique amant qui souffrit des automnes,
Ces automnes fiévreux où je cherchais ta voix.
Je t'aime pour tes yeux, impalpables délices
Que je n'échangerais pas pour d'autres trésors
Et que je sens, posés sur moi, lorsque je dors,
Rêvant à des pays emplis d'ambre et d'épices.
Je t'aime pour tes yeux, saphirs fins et sacrés,
Luisant de tous leurs feux au midi de ma route,
Tandis qu'un vent nouveau vient abolir le doute
D'abandonner ce port où tes yeux sont ancrés.
L’amour est tel ...
L’amour est tel un fruit dispos
Que tu veux croquer sans ambages.
Veuille ne pas en prendre ombrage
Si nous en conservons la peau.
L’amour est tel un feu de joie
Qui s’éteint au soir sous la cendre
Et, tandis que le corps festoie,
De mon mal je te dois défendre.
L’amour est tel un long repas
Qu’alimentent les mois qui passent.
J’en oublie, quand mes bras t’enlacent,
L’arrière-goût d’un seul faux pas.
C’est un jour noir sur l’agenda…
Ne montre pas mon cœur du doigt.
Si je suis porteur du sida,
Il n’ira jamais jusqu’à toi.
La captive
Longtemps, je vous ai vue, altière, inaccessible,
Bravant les mécréants de la plus haute tour,
Égrenant les baisers, donnés jour après jour
Aux lèvres d'un printemps qui me prenait pour cible.
J'étais le fier gardien dont la ronde insensible
Foulait sans s'émouvoir le trèfle de la cour.
A mon devoir soumis, je guettais alentour
Les murmures naissant d'une armée invisible.
Les merles, captivés par vos chants inaudibles,
Rivalisaient de leurs couleurs, de leurs discours,
Portant au bois secret l'éclat de vos atours,
Rais de lumière offerts aux chênes impassibles.
Combien d'heures, peuplées d'un silence terrible,
Vous ai-je devinée, heureuse en contre-jour ?...
Levant malgré la loi le front vers cette tour
Où vous rêviez, victime d'un sort intangible.
La petite fille aux yeux bleus
La petite fille aux yeux bleus, aux blonds cheveux,
Sourit de cent soleils et brûle de cent feux,
Ne se souvient jamais d'hier, rit de demain
Et construit le bonheur en me donnant la main.
La petite fille aux yeux bleus, aux traits d'un ange,
Me regarde parfois d'une façon étrange,
Dit que la vie, l'amour n'ont aucun sens sans moi
Et apaise mes pleurs de sa plus tendre voix.
La petite fille aux yeux bleus, aux mots faciles,
Éclaire chaque jour un peu plus mon chemin
Et me rend chaque jour l'aspect d'un être humain
En me faisant croire à des sentiments fragiles.
La petite fille aux yeux bleus, aux joues de reine,
Ne paraît éprouver ni la joie ni la peine ;
Et je me dis alors que, si elle me ment,
C'est pour ne pas blesser par trop d'attachement.
Elle me restitue tous mes rêves d'enfance,
Moi qui n'avais jamais pu rencontrer la chance,
Moi que le sort a fait renaître sous les cieux
Du grand cœur de la petite fille aux yeux bleus.
La petite fille aux yeux verts
La petite fille aux yeux verts, aux bruns cheveux,
Sourit de cent soleils et brûle de cent feux,
Ne se souvient jamais d'hier, rit de demain
Et construit le bonheur en me tenant la main.
La petite fille aux yeux verts, aux traits d'un ange,
Me regarde parfois d'une façon étrange,
Dit que la vie, l'amour n'ont aucun sens sans moi
Et apaise mes pleurs de sa plus tendre voix.
La petite fille aux yeux verts, aux mots faciles,
Éclaire chaque jour un peu plus mon chemin
Et me rend chaque jour l'aspect d'un être humain
En me faisant croire à des sentiments fragiles.
La petite fille aux yeux verts, aux joues de reine,
Ne paraît éprouver ni la joie ni la peine ;
Et je me dis alors que, si elle me ment,
C'est pour ne pas blesser par trop d'attachement.
Elle me restitue tous mes rêves d'enfance,
Moi qui n'avais jamais pu rencontrer la chance,
Moi que le hasard a jeté dans l'univers
Du grand cœur de la petite fille aux yeux verts.
La rêveuse
Lors tu rêvais, et s’esquissaient sur ton visage
Les pins d’Alep veillant les étangs apaisés,
Le tremblement des joncs, par le vent épuisés,
Que ponctuait l’envol soudain d’une oie sauvage.
Un rictus incongru perdit ce paysage...
Les branchages brisant sous les pas empressés
Des chasseurs, haletant sous les fusils dressés,
Ont fait fuir jusqu’au souvenir de ton passage.
Ce monde médiéval craignait l’ombreux présage
De ton retour, sorcière aux poings et pieds blessés,
Et s’il gardait toujours les volets abaissés,
Il montait le bûcher, ce jour, à grand tapage.
Tu quittais cependant cet hostile bocage,
Prenant d’un geai les traits... Et tes cris offensés
Déchiraient le linceul de charmes insensés,
Tandis qu’un long soupir parcourait ton corsage.
L'amour à cent sous
L'amour
A cent sous
- Pour sûr -
Ne rassure
Que le dessous
De la ceinture.
L'amour
A cent sous
Ne dure
Qu'un sou -
rire et nous
Abjure
Au fur
Et à mesure.
L'amour
A cent sous,
Qu'on soit pour
Ou pur,
Ne laisse pas sourds
Les mous et les mûrs.
L'amour
A cent sous,
J'en bois tout mon saoul
Et au petit jour
Je n'ai pas toujours
Trouvé chaussure
A ma pointure.
Mais
L'amour
A cent sous
Met
Sens dessus -
dessous
Tous les su -
jets du verbe aimer.
L'amour que tu n'as pas connu
L'amour que tu n'as pas connu
Brillait hier sur mon visage
Et me portait le paysage
De ton corps dans mes bras tenu.
Un jour, vers toi, je suis venu,
Les mains pleines de ce seul gage,
L'amour que tu n'as pas connu
Et qui tenait mon âme en cage.
Alors que mon cœur était nu,
Tu as brisé mon doux mirage.
Et je vis depuis le naufrage,
Agrippé à ce fil ténu,
L'amour que tu n'as pas connu.
L'atoll
J'ai croqué sur le planisphère
Le visage heureux de ma mie
Sans craindre le regard sévère
Des Messieurs de l'Académie.
J'ai dessiné en filigrane
Aux géographes étonnés
Un atoll sous le jour diaphane
Sans abscisse ni ordonnée.
Puis, d'une plume indéchiffrable,
J'en ai tracé la voie lactée
Pour que l'explorateur affable
Ait soin de bien s'en écarter.
L'attente
L’an passé, je venais chaque soir vous attendre
A la sortie des cours en jeune homme anxieux
Et je guettais l’instant où, naissant de vos yeux,
Un long regard sur tout mon corps allait descendre.
Il me semblait déjà percevoir votre voix,
Découvrant ce que je vous remettais, fébrile,
Une lettre où mon âme, instrument malhabile,
Avait gravé des mots que je pensais parfois.
Puis, ne vous voyant pas venir à ma rencontre,
Je répétais des vers appris rien que pour vous,
Quand le palpitement de mon cœur à genoux
Se confondait avec le tic-tac de la montre.
Soudain, un bruit de pas montait dans le lointain ;
L’espérance inondait alors mon front de fièvre
Et je restais figé, songeant à votre lèvre
De laquelle choirait un aveu incertain.
Lentement, votre approche abolissait l’attente
Et la foi criait à mon être à demi sourd
Que tout allait être pareil au premier jour,
Lorsque vous n’étiez rien d’autre qu’une passante.
Enfin, vous arriviez, pressant tout contre vous
Le roman d’un adolescent au rire tendre
Qu’une princesse s’amusait à faire attendre,
Tandis que le bonheur emplissait mes yeux fous.
Le clown blanc
Un sourire est peint sur sa face.
Une larme perle en ses yeux.
On croit que son cœur est de glace
Mais le clown blanc est amoureux.
Une larme perle en ses yeux.
On rit devant ses maladresses
Mais le clown blanc est amoureux
D'une étudiante aux blondes tresses.
On rit devant ses maladresses
Mais le clown n'entend que la voix
De l'étudiante aux blondes tresses
Pour laquelle son grand cœur bat.
Le clown blanc n'entend que la voix,
Dans sa vie où s'éteint l'espoir,
De celle pour qui son cœur bat
Et qui n'est pas venue ce soir.
Dans sa vie où s'éteint l'espoir,
Un sourire est peint sur sa face.
Elle n'est pas venue ce soir
Et son cœur doit être de glace.
Un sourire est peint sur sa face.
Une larme perle en ses yeux.
On croit que son cœur est de glace
Mais le clown blanc est amoureux.
Le nouvel amour
Mon cœur vient de ressusciter.
Lui qu'on avait réduit en cendres,
Il est prêt à ré-exister
Pour ne plus pouvoir me défendre.
Mon cœur qui errait dans les rues
A quitté le profond sommeil
D'une existence sans soleil
En rencontrant une inconnue.
Mon cœur, tel que par le passé,
Est à nouveau prêt à souffrir
Pour un sanglot qu'on a versé
Ou pour ne guetter qu'un soupir.
Il attend à nouveau l'orage
Qui va éteindre ma passion
Ou qui va chasser la vision
Qu'il a d'un amour sans nuage.
Il croit encore en ces promesses
Qui l'ont jadis martyrisé
Et tisse mille et une tresses
Avec des mots qui l'ont brisé.
Il croit voir la vie belle et tendre
Et se fait fort de tout comprendre
Depuis que le printemps est né
Dans son univers malmené.
Malgré tout, je me sens heureux
De vouloir embrasser la vie,
Même si demain me ravit
Celle dont je suis amoureux.
Le rêve
Mon sommeil est bercé d'un rêve
Me portant chaque soir l'image
Du bonheur peint sur un visage
Qui brille et me sourit sans trêve.
Je découvre en ce songe tendre
Les yeux tristes et langoureux
Et les joues au teint de la cendre
D'une fille au cœur amoureux.
Elle pourfend tous les ennuis
Qui tentent d'envahir mes nuits
Et guettent les instants propices
A m'infliger de longs supplices.
Chaque jour, je prie la venue,
Au coin de ma folle espérance,
Dans l'ombre de mon innocence,
De cette charmante inconnue.
Elle me semble un témoignage
Surgi d'une époque effacée
Dans les cachots de mon passé,
Souvenir d'un antique orage.
Elle est pour moi bien plus qu'un phare ;
Ses yeux ne s'éteindront jamais.