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21 octobre 2013 1 21 /10 /octobre /2013 09:06

 

 

casquette-didier.jpg     André était une force de la nature, un colosse qu'on redoutait, un physique toujours prêt à parler avec les poings ! Il me faisait un peur peur, d'ailleurs, je l'avoue... 

 

Je pensais qu'il faisait peur à la mort, aussi. Je me trompais. La preuve : nous nous trouvons aujourd'hui dans le temple de la mort, près d'André, inoffensif, désormais...

 

La mort n'a peur de rien. Même pas de notre ami, qui aimait tant la vie : la raison pour laquelle la mort l' a saisi dans la force de l'âge !

 

Je ne connaissais pas bien André. D'ailleurs lui non plus, il ne se connaissait pas, comme nous tous, ici, et ailleurs, comme un certain Socrate, cet antique accoucheur en vain

André ne se connaissait pas, enfant abandonné, enfant trouvé dans les poubelles de l'Histoire, sans nom, affublé de ce patronyme dérisoire, casquette...

 

En ce lundi de deuil, en ce jour proche de Toussaint, fête des morts, il nous salue bien haut : chapeau l'artiste !

 

je l'ai connu dans notre petite association d'auteurs auto-édités : dans le cercle étroit des poètes en voie de disparition, il tranchait, le loubard, le poète maudit. Elle détonnait, cette grande gueule ! Il aurait voulu que ça aille plus vite; il aurait préféré y faire un casse, dans ces salons du livre banals, bourgeois et ennuyeux ! Il allait vite, il écrivait plus vite que la musique ! Ce n'était pas une "autre plume", André, c'était  une plume ! Il n'est pas resté longtemps dans le groupe; il ruait, il avait l'esprit frondeur, subversif, cet individu anar, cet individualiste congénital !

 

J'ai aimé tout de suite ses petits polars, ses grands polars publiés dans de méchantes brochures, qu'il vendait à tous les vents de l'indifférence et de la bêtise ambiantes... J'ai eu le coup de foudre pour cette écriture forte, physique, rapide, sans concession. Le texte était bourré de fautes d'orthographe, t la phrase, parfois, claudiquait de la syntaxe, mais c'était peut-être là, qui sait, son style. Le style est souvent une histoire de provocation, de subversion, une affaire d'écart par rapport à la norme, à l'écriture normalisée, bien policée, celle qui fait le succès obscène d'auteurs conventionnels des Musso, Lévy, D'Ormesson, Poivre d'Arvor, Coelho ou Massarotto...

 

Caskett n'était pas de la secte du beau langage, pas de la société secrète des altiers littérateurs. Il était plutôt du clan des Frédéric Dard, dans la lignée de ces auteurs de la marge, d ces grands maîtres immoraux qui finissent mal, Jean Genêt ou Pasolini, dont l'apparence de mauvais garçon cache un coeur de sentimental. André était de cette trempe, une sorte de loubard au grand coeur : il pouvait être le garde du corps d'un homme politique célèbre et mafieux; il pouvait être le garde du coeur de celui ou de celle qui avait su le comprendre !

 

un jour, je me souviens, nous étions attablés tous les deux à un café de la place de Catalogne, à Perpignan. Comme pour oublier ses secrètes blessures et un mal qui s'insinuait en lui, il prenait whisky sur whisky...On parlait de ses livres, puis, soudain, un de ses complices, un Tunisien, est venu; leur conversation a porté alors sur un projet de virée violente en Espagne : une histoire de vengeance, de coup de poing !

 

Quand André fermait son poing, signe de toute son énergie contenue, il semblait fermer la porte à l'écriture. Inutile l'écriture, c'est pas la vie !!!

 

Je me trompais : il écrivait encore, en vivant ses histoires louches, il écrivait avec le poing? Son style coup de poing, aujourd'hui, c'est "point, à la ligne" ...

 

Son style coup de gueule, je l'avais suggéré à mon éditeur "Cap Béar". Ils se sont rencontrés. J.Pierre Gayraud, emballé, a voulu le publier; puis il a reculé, il a renoncé, lui pourtant si fort, dans son physique et sa rondeur, il avait eu peur, le fanfaron, le Tonton flingueur ! Il avait frémi et rien dit,  quand André lui avait lancé, le poing fermé : "Attention, si toi non plus, tu ne paies pas les droits d'auteurs..."

 

Alors André s'est résigné à vendre ses polars dans les marchés, dans les vide-greniers, au milieu d'un peuple miséreux qui ne lit plus ...Il avait des tas d'idées, créer un journal, une radio, louer un local à Prades, pour accueillir artistes et écrivains, organiser des cafés littéraires... Hélas, il n'avait pas les moyens matériels de ses ambitions...

 

Je l'ai rencontré une dernière fois (mais l'ultime fois, n'est-ce pas en ce moment..?) à l'inauguration du musée de la musique, à Céret; il tendait son micro au président du Sénat !

 

Par négligence, par peur aussi, sans doute, une peur indéfinissable et bête, j'ai mis de la distance, et je le regrette à présent, et c'est trop tard, comme toujours...

 

La distance avec André, en ce moment, elle est sans commune mesure !

 

Adieu, André !

 

* Pour son incinération, nous nous retrouverons à Canet (sur la gauche avant Canet-village, en venant par la vie rapide de Perpignan) à 12h30)

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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