Liberté d'expression à Perpignan (3) : censure d'images du RN et Le Pen à Visa pour l'image ..??????
Censures
Jordi Borras regrette que trois de ses clichés autour de l’ancienne présidente du Rassemblement national aient été écartés lors d’une projection organisée le 5 septembre au Campo Santo de Perpignan, ville dirigée par Louis Aliot, membre du parti d’extrême droite.
Jordi Borras était fier de montrer au public son sujet sur l’extrême droite en Europe, intitulé Toutes les couleurs du noir et projeté le 5 septembre lors du festival de photojournalisme Visa pour l’image de Perpignan. Le travail du photographe catalan avait été sélectionné pour être projeté sur l’écran au Campo Santo, devant plusieurs milliers de personnes : on y voyait des manifestations ou des rassemblements impressionnants de l’extrême droite dans différents pays d’Europe. En Pologne, Hongrie, Espagne, Suède, Allemagne, Italie ou Lituanie, le photographe avait saisi des défilés aux flambeaux et des marches patriotiques inquiétantes, menées par des militants au crâne rasé, brandissant des drapeaux, nostalgiques du fascisme italien ou du nazisme.
Il s’est aperçu que trois de ses photos, celles concernant l’extrême droite en France, n’avaient pas été projetées. « Mes images montrant un meeting du Front national à Marseille [en 2017] ont été censurées, indique le photographe, qui s’en est d’abord ému dans une tribune publiée dans le journal en ligne catalan Nacio. La raison en est connue seulement de Jean-François Leroy [le directeur du festival]. Peut-être cette censure est-elle liée au fait que le maire de Perpignan, où se tient le festival, appartient au Rassemblement national. »
Le directeur a-t-il écarté ces images de peur de froisser le maire, Louis Aliot, en poste depuis 2020, la ville étant le principal financeur public du festival ?
- - - Si ça a le goût de la censure, et les mécanismes de la censure… Dans une tribune pour le média web catalan Nacio digital, Jordi Borràs, qui participait à l’édition 2023 du festival Visa pour l’image de Perpignan, dénonce le « retrait » de trois de ses photos sur le Front National d’une série programmée sur les extrêmes droites en Europe. Le 5 septembre, alors qu’il assistait à la projection de « Toutes les couleurs du noir » au Campo Santo, rapporte L’Indépendant, le photojournaliste a eu la surprise de voir son travail sur l’extrême droite en Europe au XXIe siècle amputée de trois clichés représentant Marine Le Pen en meeting.
Dans son texte publié le 18 septembre, Jordi Borràs n’écrit pas le mot « censure », mais juge « regrettable » la projection « d’un travail incomplet ».
Les mouvements d’extrême droite d’Espagne, de Lettonie, de Pologne, de Suisse, étaient représentés dans la projection, mais rien sur la France. Pourtant, écrit-il, l’extrême droite existe bien en France. « Elle a été représentée par le Front National puis le Rassemblement National… » « Je voulais montrer que l’extrême droite, aussi protéiforme soit-elle, est un virus international, explique Borràs. Oublier Marine Le Pen, oublier une figure si importante de l’extrême droite européenne et mondiale, c’est cacher la réalité. »
Le directeur du festival minimise
Que cette décision survienne dans une ville dirigée par le RN, dont le maire Louis Aliot est l’ex-compagnon de la présidente du parti, n’est pas anodin. Officiellement, la décision, « unilatérale », précise le photographe, vient de Jean-Francois Leroy, fondateur et directeur de Visa pour l’image. « J’assume totalement », se défend ce dernier, interrogé par L’Indépendant. « Jordi Borràs a fait un excellent travail en profondeur sur l’ultra droite en Europe, violente et tatouée. Et les trois pauvres photos de Marine Le Pen en meeting à Marseille affaiblissaient le sujet. (…) C’est une polémique débile et stérile », tranche-t-il. Interrogé avant le festival 2022 par l’atelier des médias de RFI, Leroy avait déclaré que sa ligne rouge était que le RN « n’interfère pas dans son programme ». « Si la mairie tentait d’intervenir je le ferais savoir haut et fort. »
Jordi Borràs, lui, se dit « déçu ». « Quand j’ai su que j’avais été sélectionné pour être projeté à Visa avec le thème de l’extrême droite et la présence du Front National sur des photos, j’ai accueilli cela comme un acte de vaillance », explique-t-il. Visiblement, tout le monde n’a pas la même interprétation du mot. Mais personne ne réagit.
Dommage que la banalisation de l’extrême droite notabilisée passe aussi bien dans le monde de la culture...
(C) Claire Guillot
Publié le 23 septembre 2023 à 12h01, modifié le 23 septembre 2023 à 12h05
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