Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 décembre 2015 6 26 /12 /décembre /2015 11:12
Pensée de Maillol (expo musée Marès à Barcelone : Maillol en Grèce, jusqu'à la fin janvier 2016)

Pensée de Maillol (expo musée Marès à Barcelone : Maillol en Grèce, jusqu'à la fin janvier 2016)

CHEMINS du LITTORAL : 
  MAILLOL, MACHADO, Walter BENJAMIN
    par Jean Hormière *







I. Présentation


Un été 90 sur la côte catalane. La surgie d'un paysage : Nature & Histoire. Trois destins croisés : Machado, Maillol, Benjamin. Une enquête documentée et subjective qui ne cherche pas de réponse. L'art a ses raisons que la lumière de Méditerranée ne peut élucider.
    
Le film Chemins du littoral, d'une durée d'environ 50 minutes, a été tourné en 16 mm couleur, durant l'été 1990, sur la Côte Rocheuse : Collioure, Bañyuls, Port-Bou. Son ancrage local (le paysage, la musique) et sa dimension européenne (l'évocation de trois artistes, l'un originaire de la région, les deux autres étrangers, durant les années de tourmente) le destinent aux festivals et à la télévision.


    Chemins du littoral est un moyen métrage, tourné entièrement en extérieurs sur la Côte Rocheuse, ainsi qu'à Perpignan pour une brève séquence. La Côte est le vrai sujet du film. Les trois destins d'artistes que l'on suit sont en effet révélés par les lieux qu'ils traversent.
    


La Méditerranée et les Albères ; ports, vignes escarpées. La gare de Collioure, les rues qui descendent vers le port, la placette, le Château, les plages - et l'ermitage de Consolation- La maison de Maillol à Bañyuls, le port, la mairie, le laboratoire Arago et l'île Grosse - mais aussi la métairie, l'atelier, les mas alentour, les chemins de montagne, les crêtes frontalières-


    Chemins du littoral est d'abord un film de "paysages", mais les hommes aussi y ont leur place : aux migrations des années de tourmente ont succédé les migrations estivales. Et, sur le port ou dans un vallon retiré, les habitants du lieu témoignent à leur façon.


    Le présent renvoie au passé. Les traditions musicales sont à l'arrière-plan du film : la musique catalane du passé, mais aussi celle d'aujourd'hui (Teresa Rebull), envahit la bande-son.




II . COMMENTAIRE       


 Tu connais l'histoire de Valeriu Marcu et du Maharadjah? C'est Mme Istrati qui me l'a racontée.


      V. Marcu était un juif de Roumanie célèbre dans le Berlin littéraire des années 20. En 1933, il dut émigrer sur la Côte d'Azur, à 300 km d'ici, à vol d'oiseau. Un jour qu'il se promenait au bord de la mer, il vit, sur un rocher, un maharadjah si triste qu'il s'approcha de lui pour le faire sourire. L'autre, qui allait se jeter à l'eau, changea d'avis et offrit à Marcu sa plus belle limousine ainsi qu'un chauffeur à l'année.


     Six, sept ans plus tard, Lisa Fittko vit passer une limousine à la sortie de Bañyuls, rapide comme une flèche, en direction de l'Espagne. Valeriu Marcu était tapi au fond et avait gardé son chauffeur.


       L'Amérique n'était pas loin, et la frontière une simple formalité.




 2 . La promenade au port.  - Collioure 




C'était la fin de janvier 39. Machado a passé la frontière à pied, abandonnant ses bagages. A Cerbère, il a dormi dans un wagon sur une voie tranquille. Le lendemain, le train l'a emmené à Collioure, près du futur camp de concentration d'Argelès-sur-mer.


    Machado arrive en gare de Collioure à cinq heures  et demie de l'après-midi, le 28 janvier. Avec sa mère, son frère José, sa belle-sœur ; un parapluie pour toute fortune. Il fait mauvais. Jacques Baills, un employé de la gare, indique au petit groupe, pour la nuit, la pension Quintana, quelque cinq cents mètres plus bas.


     Antonio Machado, fils d'Antonio Machado y Alvarez, vient de Séville où il a grandi. De Madrid, avec son frère Manuel, il a écrit des pièces de théâtre. De Paris, au tournant du siècle. Il vient de Soria où il a enseigné, aimé et souffert. De Baeza. 


    Il s'est mis à la philosophie allemande et découvre Heidegger. Andalou intime, castillan d'essence, il remonte en Catalogne. Il s'est paré de pseudonymes et s'engage aux côtés de la République. Dans l'ourlet de la Retirada, il passer la frontière du Nord, gagne les Pyrénées Orientales, gagne l'exil.


    Et tombe à Collioure.


    La mère est épuisée. Il faut la porter jusqu'à la Placette. La mercière, Mme Figuères, permet de s'asseoir. La pension, de l'autre côté de la place, est si éloignée. On dit qu'il fallut appeler un taxi, car les eaux de la rivière ne permettaient pas le passage à gué. On prit la route par le cimetière.


    Je crois que les rescapés arrivèrent sur une barque, en remontant le Douy, la rivière qui vient de la mer. C'est dans cette pension qu'ils passent quatre longues et maigres semaines, en février, jusqu'à la mort du fils et de la mère.


    Numéro 669, 670,671, 672, 673, 674, 675: il a douze ans de moins qu'il n'y paraît. Il est professeur de français. Il est né à Séville. Réside à Madrid. Vient de Barcelone.
    Machado dort au fond, à côté de sa mère qui rêve de Séville. Machado dort enfin dans le lit de sa mère.
  
  L'escalier extérieur de la pension mène des chambres à la salle à manger, au rez-de-chaussée. Le poète et son frère n'ont que deux chemises. Quand ils lavent une chemise et la mettent à sécher à la fenêtre d'une chambre, un seul peut descendre dîner. Là est leur table. L'autre attend, à l'étage, que son frère remonte et lui passe sa chemise, avant d'aller manger à son tour.




    Le poète porte toujours le même complet bleu marine.


    C'est à la veille des congés de Carnaval que Machado doit s'aliter. Le médecin appelé ne peut rien faire. Machado meurt le 26 février dans l'après-midi. Son frère Manuel apprend la nouvelle chez un coiffeur de Burgos et arrive à Collioure trois jours après la mort d'Ana Ruiz, leur mère. Les derniers temps, le poète allait s'asseoir sur un banc, devant la pension Quintana, pour regarder les joueurs de pétanque.


    Avant de mourir, le poète a-t-il fait la promenade du phare? On connaît trois de ses promenades : il est allé deux fois au magasin de Mme Figuères ; il a contourné l'hôtel et suivi le chemin du cimetière ; avec son frère José, enfin, il est descendu jusqu'à la plage et s'est appuyé ou adossé à une barque. Mais au-delà ? La seule qui sait, la "Vérité", a brûlé sur la plage de Canet, il y a bien longtemps.


    Il faut, pour aller au phare, passer à côté de la maison "espagnole". C'est le nom qu'on lui a donné pendant le tournage du "Fils de Caroline chérie", dans les années 50. Je ne sais plus si Martine Carol était encore en vedette au générique ou si Brigitte Bardot y apparaissait déjà en figurante.


      Au-delà de la maison espagnole, la chapelle saint-Vincent. Au-delà de la chapelle. Au-delà du phare, la Grèce. 


...à suivre

Pages les plus visitées (hit-parade du blogabonnel)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blogabonnel
  • : Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
  • Contact

Profil

  • leblogabonnel
  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...

Recherche

Liens