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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 10:33
Avec Marcel PAUL, avril 1970
Avec Marcel PAUL, avril 1970

(photo G. Roullier, Venissieux : L. Roque avec Marcel PAUL, à l'exposition sur la Déportation, à la nouvelle bibliothèque de l'usine Berliet, avril 1970)

Léopold ROQUE

EXTRAIT DU RECIT DE SES ACTIVITES EN 40 ANS

Au fil des jours, entre deux voyages, deux réunions, le soir avant le coucher, le matin bref, des moments où je pouvais rassembler mes souvenirs, aligner les mots, les phrases plus ou moins correctement.

J’ai eu du mal pour faire un choix des situations et j’en ai oubliées. La vie de quelqu’un qui est mêlée à la vie des autres, « du parti, des organisations de masses, des couches les plus diverses des populations » est tellement mouvementée, attrayante, que je pourrais raconter encore longtemps.

Faire un choix sur 40 ans ?

Etre communiste.

Je pense qu’il n’y a pas de chose plus naturelle, si on aime la vie, la liberté, la paix.

Il y a à mon sens plusieurs chemins qui mènent au communisme, les origines familiales, les influences du milieu dans lequel on vit, le goût de l’étude, la soif d’apprendre.

Personnellement, issu d’une famille de vigneron et artisan, en 1918 à 13 ans, j’étais orphelin de guerre.

L’absence de mon père anéantit tous les projets d’avenir familiaux.

L’école était terminée, je devins aide-maçon, puis ouvrier agricole.

A quatorze ans, j’étais à l apprentissage du métier de tonnelier (ancien métier de mon père).

A 18 ans, je devançais l’appel pour être incorporé au 7e génie à Avignon, c’est sous l’uniforme de ce régiment que mon père perdit la vie.

Au bout de 8 mois Caporal, puis Sergent après 11 mois de service.

Le fait d’être sous-officier, devait m’amener à 19 ans à faire connaissance du journal de Jean Jaurès.

Je pouvais alors rentrer à la caserne à 23 heures au lieu de 21 heures. Cette circonstance m’amena à fréquenter des ouvriers du bâtiment dont l’un d’eux tenait dans ses mains le journal où je lis « fondateur Jean Jaurès ». Ceci me rappela le récit qu’avait fait mon père sur la mort du leader socialiste.

Démobilisé le 25 mars 1925, j’avais 19 ans ½, je repris mon métier de tonnelier et pratiquais le rugby en hiver, natation et pelote basque en été .

Etre joueur de rugby, décida de mon installation à Elne, en juin 1926. J’étais en contact avec des ouvriers du bâtiment, des agricoles. J’appris ce qu’était la vie des salariés en entreprise.

Lecteur assidu de « l’huma » j’étais particulièrement intéressé aux mouvements de grève où, pour ma part, je n’avais jamais participé.

Dans la ville, il n’y avait qu’un seul syndicat, celui des ouvriers agricoles. Au début de l’année 1927, j’adhérais à ce syndicat.

Je constituais la cellule locale, en juillet 1929, au moment où presque tous les membres du comité central étaient en prison, pour l’action que menait le parti contre les guerres coloniales. Notre carte portait la signature du secrétaire général Pierre Sémart.

La création de notre cellule nous mit en contact avec des camarades des villages voisins, St Cyprien, Alenya, Bages. Nous avions contribué à renforcer le « rayon de Perpignan », c’est ainsi que s’appelait l’organisation du parti pour les Pyrénées Orientales, rattaché à la Région du Languedoc, dont le secrétaire était un instituteur : Etienne Fajon.

L’activité de notre cellule locale se manifesta par des articles sur le travailleur catalan.

Aux élections municipales de 1935, la liste communiste obtint « 3 élus et moi-même ».

Cette même année, le maire socialiste d’Elne a voulu licencier la directrice de l’hospice, vieille dame d’une honnêteté scrupuleuse, catholique très pratiquante, nous avions pris sa défense. Elle a fait appel à un bâtonnier du barreau de Limoges.

La ville a été condamnée à lui verser la somme de 60 000 francs. Cette dame a fait un testament sur le champ reversant cette somme à l’hospice.

Ces résultats locaux ont été à l’origine de notre désignation comme candidat aux élections législatives de 1936, dans la circonscription de Perpignan.

Bataille électorale menée dans l’enthousiasme avec deux jeunes de moins de vingt ans : Léo Figuères et André Tourné.

Il s’agissait de remplacer le député maire de Perpignan, élu sénateur, le socialiste Jean Payra.

Le candidat socialiste était Louis Noguères, avocat au barreau de Paris, le candidat des partis et groupes de droite était François Delcos, notaire à Perpignan.

Au premier tour nous avons devancé le candidat socialiste, qui nous a apporté son désistement. Au deuxième, nous étions candidat du front populaire. Delcos qui s’était parée d’une étiquette radicale, n’effaroucha pas les voix de droite et « officiellement » il nous a battus de quelques voix. Ce fut tout de même un résultat positif.

En 1937, la fédération des Pyrénées Orientales dirigée par Pierre Terrat décida de m’envoyer à l’école centrale d’Arcueil. Ce fut une période extraordinaire, quelques jours avant la fin de l’école, j’ai eu en charge de parler de la vie et de l’œuvre de Lénine devant les élèves et les professeurs.

Le 30 juillet, j’eus l’honneur d’offrir à Maurice Thorez, le cadeau des élèves, une collection J. J. Rousseau. Un camarade breton fit de même pour Marcel Cachin.

A partir de 1939, le parti décida que je devais rester dans les Pyrénées Orientales.

La situation empirait en Espagne pour nos camarades républicains.

J’eus comme mission de coordonner la solidarité et je devins secrétaire du Comité International d’aide à l’Espagne Républicaine en liaison avec Paris.

Notre bureau était situé à proximité de la gare de Perpignan. Avec cette fonction qui m’accaparait pas mal, la conférence fédérale d’avril 1939 me désigna pour remplir la fonction de Secrétaire Fédéral.

Je me souviens que 2 ou 3 jours à peine avant la dissolution du parti, le 26 septembre 1939, en plein centre ville de Perpignan, place Arago, trois interlocuteurs dirigeants du parti socialiste voulaient me démontrer sur un ton doctrinal l’erreur commise par notre parti sur le plan national.

Le 25 septembre c’était à Elne, une conversation qui tourna en réunion publique sur la place. Cette réunion provoqua mon arrestation le 26 septembre sur plainte du responsable du parti radical.

J’eus ma revanche. Ce fut à mon retour de Dachau, de retrouver à la direction fédérale des Pyrénées Orientales, mes interlocuteurs de 1939 qui avaient adhéré à notre « parti clandestin ».

Ce n’était pas ceux qui étaient responsables de mon arrestation au début de la guerre, élus au Conseil Municipal de la ville d’Elne avec des socialistes et des radicaux.

Arrêté le 26 septembre 1939, je fus condamné par le tribunal correctionnel de Perpignan, le 8 novembre, à 18 mois de prison : motif propagande anti-nationale.

Ce jugement, le premier dans mon département et l’un des premiers dans le pays, contre un militant communiste.

Alors que j’étais enchaîné de la prison au palais de justice et que j’eus à parcourir le centre de la ville à pied (environ 1000 m), je m’attendais à des cris hostiles. Il n’en fut rien, courageusement des hommes et femmes formèrent un cortège, me plaçant au milieu avec mes deux gardiens et c’est avec des cris de « bravo » et d’applaudissements que je franchis l’escalier du palais.

Il me plait à signaler que le greffier du tribunal en robe, alors que j’étais enchaîné et que je passais, s’est levé, m’a serré la main droite en me disant « courage ». Ce sont des gestes qui ont une certaine signification dans de telles circonstances. Tout comme ceux des quelques deux cents personnes qui formaient une haie sur les escaliers du tribunal et me raccompagnèrent malgré l’interdiction du service d’ordre qui s’était considérablement renforcé.

Je restais à la prison de Perpignan, jusqu’à la veille de Noël 1939, pour être transféré en prison centrale de Nîmes où je restais jusqu’au 26 mars 1941.

Arrêté à nouveau le 30 juin 1941 à Limoges, transféré en décembre à la prison de Tarbes. A nouveau transféré le 15 octobre 1943 à la prison d’Eysses.

Notre groupe venu de Tarbes était le premier de ceux que nous devions constituer par la suite, le bataillon FFI de la centrale d’Eysses.

Le 2 juin 1945, je me retrouvais à Perpignan, puis à Elne.

Après une période de réadaptation je revins à la direction fédérale des Pyrénées Orientales.

En 1948 je me retrouve dans le département de la Loire et en 1950 dans le département du Rhône.

* Journal L'Indépendant du 4 Mai 1936, élections législatives à Perpignan : le candidat radical-socialiste est élu face à L. Roque, candidat communiste; 532 voix, à peine, les séparent.

Léopold Roque, de Laroque des Albères, un des Communistes d'Aragon (2) Déportation, biographie, 40 ans de militantisme
Léopold Roque, de Laroque des Albères, un des Communistes d'Aragon (2) Déportation, biographie, 40 ans de militantisme
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commentaires

R
C'est mon grand -père que je n'ai jamais connu malheureusement.
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M
Un grand merci de toute la famille Jean Pierre pour ce bel hommage rendu à Léopold ROQUE, mari, père, grand-père, arrière grand-père...
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D
merci à notre famille d avoir réuni ttes ces informations qui font notre fièreté !!! Mon arrière grand père était un grand monsieur !!!
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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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