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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 17:50

      Un couple d'Anglais -ils ont chacun soixante-deux ans, à la retraite, a décidé, comme de nombreux étrangers, désormais, de venir passer leurs vieux jours en France. Lui était entrepreneur; ses revenus confortables lui ont permis d'acheter un appartement en Roussillon, dans un gros village situé non loin de la mer. Leurs deux enfants et leurs trois petits-enfants venaient voir les Hallington, de façon régulière dans cette région pittoresque de La Salanque. Installés dans leur confortable logement, le couple de retraités tranquille commençait à passer de longs mois tranquilles, quand...

 

   Un jour, une toux permanente, une fièvre incompréhensible, une fièvre persistante, s'emparèrent d'Andrew. Aucun médicament ne pouvait arrêter ces maux violents et épuisants... Le mal se fit de plus en plus oppressant : il fallut se résoudre à une hospitalisation. Mais dans le service de réanimation, l'état du malade empirait... 

 

 A l'occasion d'une batterie de tests passés à l'hôpital, l'équipe médicale s'est rendue compte qu'Andrew avait contracté le sida !  Il resta entre la vie et la mort pendant trois semaines. Quand il put enfin sortir de la salle de réanimation, il a bien fallu lui annoncer le diagnostic. L'homme s'est effondré; i interdit ensuite que l'on révèle la vérité à son épouse Rebecca et à sa famille, accourue depuis l'Angleterre pour le voir.

 

  Il devint totalement mutique, refusant de parler aux infirmières; il se laissait aller... Il sombrait vers l'issue fatale, emportant le terrible secret avec lui...

 

  Au fil des jours, les forces lui revinrent un peu; c'est alors qu'il avoua au médecin qui le suivait depuis un mois, qu'il avait eu une relation avec un homme : un rapport unique ! Pour lui, c'était la cause de sa maladie; il refusait toujours qu'on en parle à sa femme; par conséquent, il refusait qu'on la teste à son tour ! Terrible décision !

  Par moments, il voulait sortir de l'hôpital; cependant il avait été obligé de dire à Rebecca que les médicaments qu'il prenait étaient dus à une pneumopathie...

   Ensuite, au fur et à mesure qu'on attendait sa sortie de l'hôpital, son état empirait... Pas une fois,depuis plus de quatre semaines, il n'était sorti une seule fois de sa chambre afin qu'on ne voie pas son état ! 

 

  Malgré toutes les thérapeutiques qu'on lui prodiguait, malgré des résultats biologiques relativement bons, il continuait à s'affaiblir... Il se laissait, en fin de compte, mourir, pour éviter d'affronter la vérité. Sa vérité. 

 

   Il mourut à l'hôpital, deux mois après son hospitalisation. Les médecins n'ont jamais rien dit à son épouse : la loi l'interdit, c'est le fameux "secret médical"...

 

  On peut toujours s'interroger sur le bien-fondé du secret médical. Faut-il continuer à ne rien dire à la famille ? Peut-on laisser dans l'ignorance une épouse, qui a été peut-être contaminée par son mari, et qui risque, ainsi, puisqu'aucun soin ne lui est prodigué, de succomber rapidement dans une mort programmée..? IMGP0004-copie-1.JPG (photo J.P.Bonnel)

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 11:45

Publication du livre d'André Bonnet sur l'histoire du CML (Centre méditerranéen de Littérature) - Voir les éditions Talaïa et le blog d'A. Bonet.

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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 15:17

rey.jpeg      Je viens de relire le roman de H.François Rey. Cette première oeuvre, publiée en 1958, m'avait enchantée, alors que j'étais ado : le cadre est constitué par Collioure et Barcelone, ce qui explique cela. Et l'histoire d'amour entre un Christine et un Russe, volontaire des Brigades internationales pendant la guerre d'Espagne, est émouvante; ce qui explique ceci. Puis, troisième argument, troisième plaisir, quand on dévore ce roman de 200 pages en deux heures, c'est l'écriture, claire, somptueuse, comme on n'en fait guère plus...

 

     H.F.Rey eut, par la suite, un succès mérité avec Les pianos mécaniques, prix Interallié, en 1962. L'auteur, né à Toulouse en 1920, s'était installé sur la Costa Brava et, depuis le blanc promontoire de Cadaquès, il écrivit La Comédie, Le Rachdingue et un livre d'amitié avec Dali, qui l'invitait à Port-Lligat.

    Le livre débute à Perpignan, où se retrouvaient les engagés dans les B.I. (*) Avant de partir pour la Catalogne, Georgenko va faire les vendanges à Argelès : "Le village puait le vin et avait un aire  de fête permanente... Le soir, dans la grande cour de la métairie, les garçons et les filles dansaient la sardane, célébrant, dans la ronde grave et silencieuse, le vrai culte de la solitude en commun..." (p.35-36).  Ensuite, il découvre Collioure : "Il aperçut une ville rose et reconnut C...". C'est dans le petit port -dans un lieu typique qui ressemble au café des Templiers- qu'il rencontre Nathalie, journaliste : "Ils passèrent dans un restaurant, une salle longue aux poutres apparentes, décorée de filets de pêche et de tableaux répétant à l'infini l'architecture de Collioure.."

     L'amour naît alors et de belles pages sensuelles suivront. Michel G. doit partir à la guerre, d'abord se rendre à Barcelone, puis aller vers le front, jusqu'à Albacete, mais, vite, sa noble intention de se battre pour une Espagne libre laisse place au désir de revoir Nathalie, à la volonté de "fonder un érotisme" en pensant au danger, à la mort, à la vieillesse( pages 151/154)

   Il bénificiera d'une permission pour retrouver son amante à Barcelone, mais le machiavélisme des Franquistes (les Anarchistes sont, eux aussi, décrits comme des fous inhumains, suspectant les volontaires des BI d'être communistes, qu'il s'agit d'éliminer !) et le "viva la muerte" aura raison de l'amour...

     La morale du livre est pessimiste : les moments de solidarité entre soldats "républicains" ont été rares et c'est une femme qui a le dernier mot : "C'est lâche, les hommes. Une race de merde, une race pourrie, il ne faut rien en espérer, rien..."

 

(*) édition du livre de poche 1958, R.Laffont, page 9)

 

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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 19:24

_MG_9268.CR2.jpg  * Jetant un regard en arrière, nous mesurons le chemin parcouru et sommes troublés plus que tout par les nombreux miroirs que nous avons rencontrés." Léo Spitzer (L'art de la transition chez La Fontaine)

 

   * Penser, c'est facile quand tu as du recul, loin de tout ce monde pris dans le travail, les déplacements, les courses, la préoccupation de l'argent, des vacances, des repas...

 

   * Ecrire tour à tour dans toutes les pièces de la maison, sous l'injonction mobile du soleil qui me fait écrire au fil du temps dominateur.

 

   * La "trope" joue un "tour" au lecteur. Et l'écrivain s'amuse avec les outils du style !

 

   * Je relis la Prose du Transsibérien, ce spectacle forain. Prose poétique. J'assiste à un rapprochement saisissant entre ce début de siècle 1905 et la chute d'un monde, à l'Orient : interrogations, déplacement imaginaire vers les espaces de l'Est, avec le retour de la Russie et des Républiques indépendantes de l'ex-URSS...

 

   * Je ne voudrais pas m'ennuyer, condition selon Roger-Martin du Gard, pour devenir un bon écrivain...(Lettres, page 39, je n'ai pas noté l'édition).

 

   * Cioran : "Qu'est-ce qu'un artiste ? Un homme qui sait tout, sans s'en rendre compter. Un philosophe ? Un homme qui ne sait rien, mais qui s'en rend compte." (Le crépuscule des pensées).

 

   * Pourquoi j'écris ? Je répondrai comme Blaise Cendrars : "Parce que..."

 

   * Littérature : j'aime cette formule d'Alain Corbin : "La rumeur des viscères."

 

   * La modernité a privilégié la recherche formelle. Les contemporains veulent la lisibilité immédiate, le dialogue des réseaux sociaux, les contacts rapides avec "Facebook", la parole spontanée, la publication instantanée d'une photo, d'un poème, d'un sentiment... Que restera-t-il de cette masse d'écrits et d'oeuvres éphémères..?

 

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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 11:58

rousseau.jpeg   2012, année Rousseau, on fête les trois cents ans de sa naissance : alors, je relis Rousseau, la part poétique surtout : les Rêveries du promeneur solitaire. Ces commémorations littéraires voulues par l'Etat ne sont pas tout à fait absurdes : elles permettent de se replonger dans l'oeuvre d'un classique. Rousseau, auteur capital dans de nombreux domaines. Ecrivain prolétaire, menant une vie de bohème, d'exilé, de sans-papier et inspirateur des révolutionnaires !

 

Rêveries d'un promeneur solitaire. Rêverie, synonyme de délire ou de vagabondage, ce n'est ni le songe, fiction, chimère ou vision pendant le sommeil, ni le rêve, méditation, pensée profonde.

    La rêverie dans la nature est l'activité heureuse de l'imagination et du souvenir.  Elle permet à Rousseau d'oublier ses malheurs, le harcèlement des autres, les méchancetés de la société; elle lui procure ce "ravissement inexprimable qui consiste à se fondre dans le système des êtres et à s'identifier avec la nature entière." "J'aime mieux fuir les hommes que les haïr."

 

Dans le lac de Bienne, à l'île Saint-Pierre, près de Neuchâtel, au nord de Lausanne, Jean-Jacques retrouve la joie intérieure de jadis : chaque détail vise à recréer en lui une atmosphère capable d'émouvoir sa sensibilité physique. Il se voue à l'oisiveté, il est conscient de sa passivité; il ne veut que se sentir vivre. Pour exprimer ses plaisirs sensuels intimes et, de ce fait, difficilement communicables, Rousseau va utiliser la plus belle des proses, une écriture lyrique aux modulations harmonieuses; travail sur le rythme, enchanteur, susceptible de traduire le mouvement de la marche, de l'eau, des nuages, de l'avancée des sensations, de la montée d'un orgasme plus affectif que sexuel... La prose s'adapte aux mouvements de l'âme, aux ondulations de la rêverie. Dans cette ode à la Nature, l'être se purifie et se contemple dans son essence.

 

      Il retrouve une solitude voulue, à présent : "J'aime à me circonscrire (à vivre retiré). Quoique je sois peut-être le seul homme à qui sa destinée en a fait une loi, je puis croire être le seul qui ait un goût si naturel."

 

Dans ce retirement, à pied, herborisant ou couché dans sa barque et dérivant au gré de l'eau sur le lac de Bienne, l'oeuvre est un monologue; l'auteur est seul face au monde naturel dans cette autobiographie, sincère, cette fois-ci : on est loin des Confessions... Il se retrouve dans le lieu et la solitude : "Mes heures de solitude et de méditation sont les seules où je sois pleinement moi et à moi." Le livre s'ouvre sur cette phrase : "Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même..."Face au mépris et aux mesquineries des hommes, Rousseau découvre que le bonheur est en chaque homme : "la source du vrai bonheur est en nous..."; il veut fixer ces instants; ensuite, la lecture fera revivre cette jouissance (première promenade).

 

      En outre, solitude et plaisir des sens, rêverie et contemplation de la beauté environnante lui rendent conscience de son être : "Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu." (deuxième promenade).

 

Le rôle de l'écriture est de retranscrire ces promenades, ces enchantements, ces extases, mais ce bonheur peut aussi conduire à l'inactivité et à ne plus écrire (cinquième promenade). Alors, la rêverie et la balade, menant à l'ataraxie, aux portes du paradis, s'approchent aussi de la création divine; loin des hommes, en exil, dans l'asile suisse, Rousseau ressent son autonomie, son être profond : "De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d'extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu."  H.Rousseau.jpeg L'éden, selon Henri Rousseau (dit "Le Douanier Rousseau")

 

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 18:41

   * Je vais assister à une signature de Claude Simon chez Jean-Louis Coste, "son vieil ami", écrit L'Indépendant. L'écrivain de Salses dédicace pendant une heure son dernier livre; il fait très chaud au troisième étage de la librairie Torcatis. Claude Simon est très rouge; il n'a pas le temps de lever les yeux : il doit signer, c'est le labeur ingrat de l'écrivain; il doit inscrire un nom et une phrase, au préalable notés par l'acheteur sur un carré jaune offert par le commerçant. En effet, le romancier a des problèmes d'audition; ainsi, il ne va pas parler ni dialoguer avec ses lecteurs ou ses admirateurs; il ne les entendrait pas bien. Il a bien vieilli (quatre-vingt-quatre ans) et a grossi, aussi; il est pourtant venu pour cette corvée.

    Où est la littérature dans une telle situation ..? Dire que le Prix Nobel est si prolixe dans son roman Le tramway, si érudit dans ses entretiens dans les journaux (Le Monde, Libération venus le rencontrer dans son village des Pyrénées-orientales),  mais là, ce jour-là, il paraît fatigué, si pitoyable, esclave de ce jeu commercial, si manipulé par son public et les curieux; certains sont venus pour prendre des clichés, poser près de lui pour la photo du journal local, tandis que d'autres stagnent près des apéros et des amuse-gueule et qu'un petit groupe d'artistes ou d'intellos -Claude Massé, Henri L'héritier, Jean-Claude Marre - causent entre eux; Maurice Roelens, au regard toujours aussi malicieux, le prof de Fac qui en sait tant sur C. Simon, semble, dans son coin, mépriser ce carnaval littéraire, ce salon vénal, où l'on n'apprendra rien sur la littérature, mais qui en dit long sur les moeurs littéraires et éditoriaux... J'achèterai le livre sans faire la queue pour la dédicace. Adieu Claude Simon !  Je le retrouverai dans ses mots...

 

   * Sur L'espoir de Malraux, Claude Simon écrivit : "Pour moi, c'est un peu Tintin faisant la révolution."

 

  * Le 17 octobre 1985, à Gap, sur la page de garde de Du Domaine, de Guillevic, le jour même où Claude Simon a décroché le Nobel, le noble prix, pour un assez obscur "viticulteur" de Salses, dans les Pyrénées d'Orient, écrivain proustien à l'ombre d'un épais château de briques...

   Entre dix heures et dix heures trente, avec Eugène, les pages tournent trop vite; entre elles, un espace, un domaine trop blanc, territoire qu'on méprise au lieu de le méditer, le parcourir. Mais on s'obstine à lire les minces phrases proverbes, les vers suggestifs, vols de plumes, pas discrets sur la page; on tourne, on se grise dans le manège des pages, alors qu'on devrait avoir le courage de penser ou de rêver entre les frontières de l'encre...

 

* En Egypte, Victor Segalen se serait intéressé aux noms et inscriptions, notés sur des carnets oblongs. Au Japon, comme Roland Barthes, il aurait créé un nouveau genre littéraire en transcrivant les signes de la pub et les enseignes lumineuses des mégapoles nippones. Ecritures pérennisées dans la pierre, la matière tombale : croix, panneaux stellaires, écritures de la mort. A l'opposé, les narrations, les bandes dessinées à lire sur les obélisques égyptiens : écritures de la vie...

 

* A propos de racisme, revenir à Voltaire : "Quoi ! Mon frère le Turc ? Mon frère le Chinois ? Le Juif ? Le Siamois...?"

V. Segalen est plus tolérant en écrivant sur le divers, le différent : l'Homme est unique dans son infinie variété. L'autre, ce n'est pas l'enfer (Sartre), mais c'est l'ami : "Car c'était lui..." (Montaigne et La Boétie), et c'est l'amour : retrouver le vers 1782 du Misanthrope de Molière...

   Le raciste croit que l'autre, c'est le distant, l'étranger, le monstrueux : c'est la tronche du Sauvage, le noir des cheveux, le jaune de la peau, le rouge de la violence, le cri du Barbare, autant d'éléments physiques. Mais aussi l'exclusion s'exerce tout au long de l'histoire des Hommes sur les êtres marginaux, la Sorcière (reprendre Jules Michelet), le maître de la parole, le bonimenteur, le prince de l'animisme, l'as de la sorcellerie...

 arbre-et-racines.jpg

 

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 11:27

fenetre.jpg   La fenêtre est un motif d'attente; ce moment d'évasion, d'expectative est pause dans le récit, accoudement sur le rebord de la fenêtre, sur la margelle de l'ouverture de l'espace intime sur le monde collectif. 

 Arrêt de la narration, moment de description, d'explication, de monologue intérieur. Le personnage attendu et l'événement espéré surviendront plus tard...La fenêtre autorise la réflexion, le recul, le flux de la conscience... Il peut dresser un bilan, faire une analyse de soi-même ou de la situation. C'est un moment privilégié permettant une vue intérieure : fuite ou dépaysement dans le décor, le paysage, la ville, la campagne...

   La fenêtre est l'occasion d'offrir au lecteur un spectacle; c'est un tableau à contempler, et le héros, avec le lecteur, est placé dans la posture du spectateur?. La fenêtre donne naissance à une séance de pose : le héros prend la pose, le lecteur se cale dans son fauteuil : le narrateur peut alors travailler, dans le calme, le silence, à sa table. Le modèle n'est pas un homme ou une femme, mais la nature ou la ville. La fenêtre a deux rôles contradictoires : l'ouverture et la fermeture !Cependant, dans la fiction, romanesque ou picturale, elle est ouverture sur une perspective  inconnue, regard vers un abîme inexploré...

   La fenêtre constitue un morceau de bravoure et surtout un morceau de la réalité : un extrait du monde; elle est l'intercesseur entre l'homme, ses secrets, et le monde, l'extériorité. Elle permet le spectacle du monde. 

 

   * Les fenêtres de Matisse, autant de tableaux dans le tableau. Mises en abyme. "La sieste" : la mer vue du Faubourg. Mur de l'atelier aux cinq fenêtres. La porte-fenêtre ouverte, noire de 1914. (Voir "Moi, Matisse à Collioure", Balzac éditeur, 2005).

   Zola a opéré un renversement : c'est l'oeuvre d'art qui est une fenêtre ouverte sur l'acte créatif; il est une mise en scène, composée de vérité, de réalisme et d'illusion, de trompe-l'oeil. La toile est un miroir; l'encadrement de la fenêtre offre la matérialité du cadre d'un tableau qui introduit à un paysage et suggère une vie plus lointaine.

 

       La fenêtre est encore une incitation à la rêverie; ainsi Emma Bovary, après l'invitation au château, à Tostes : le bal fini, l'héroïne ouvre la fenêtre et s'accoude, le temps de la rêverie peut commencer.  Dans "Une vie", la fenêtre est aussi sortie de la réalité, compensation dans la vie monotone de Jeanne; cependant les perspectives de la pauvre femme sont mince, loin des utopies romanesques de l'épouse du pharmacien...La servante, grâce à sa modeste ouverture, se remémore des souvenirs d'enfance; sa vue est rétrospective plus que prospective; le bonheur dans l'avenir lui est interdit !

 

  *  Fenêtres avec perspective vers les montagnes, dans le tableau de Ghirlandaio (Florence, 1490, portrait du vieillard atteint de rhinophyma, ou acné rosacée) et dans la toile de B.Luini (1485-1532) :  "Salomé".

 

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 19:02

 

   Vive l'utopie ? Encore un naïf ! allez-vous vous exclamer. Vous savez bien que toutes les utopies ont été criminelles. Le beau nom de "communisme" a été dévoyé par les Staliniens, les faiseurs de goulags et de dictatures, froides en Sibérie ou en Corée, chaudes à Cuba... Le mot "socialisme" a été utilisé par Mussolini et surtout Hitler, pour accéder au pouvoir, puis pour inventer l'horreur, la mort planifiée, les tortures et autres expérimentations médicales dans les camps de concentration. Utopie et fascisme, hélas, partout dans le monde.

 

   Pourtant la quête d'un monde meilleur, d'un paradis sur terre, humain, solidaire, est une idée, une idéologie qui ne peut que motiver les citoyens. Mais où sont les grands projets humanistes ? La parole est au marché, à l'économie, à la banque, à la finance : face à ce discours ambiant et à la toute-puissance des "décideurs" et autres "libéraux" d'un capitalisme nouveau, plus d'enthousiasme, d'élan humaniste, mais la crise, la dette, la crise, etc...

 

   Les élections en France ne semblent pas embrayer sur des lendemains qui chantent; entre le néofascisme du Front "national" et le populisme d'un Front de gauche noyauté par le PCF, la droite sarkozienne tente de se muscler en avançant des idées racistes,  le centre mou et le parti socialiste mollasson tentant de plaire au plus grand nombre : ne pas bouleverser, ne rien changer !

 

   Pourtant la rupture est à souhaiter, voilà l'utopie. Si la "gauche" n'accomplit pas cette révolution (économique, financière, fiscale, sociale...) en profondeur,  d'autres s'en chargeront : quand crise morale et économique (chômage) paralyse une société, le fascisme rôde et attend sa proie... Au peuple, aux citoyens de s'unir pour inventer une utopie "réelle"...

 

  Ci-dessous, l'utopie libertaire (CNT et FAI en Espagne) s'achevant dans le désastre, l'exil, la Retirada et la dictature franquiste :

 

utopie.jpg

17 février • Paris - Projection de "Vivre l'utopie"

de Juan Gamero, F. Rios, Mariona Roca, Mitzi Kotnik.

Documentaire sur l’Espagne libertaire de 1936 dans lequel une trentaine d’anciens militants anarchistes témoignent de l’application concrète de l’anarchisme par plusieurs millions de personnes en Catalogne et en Aragon.

LIEU : Librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, Paris 11e. A 19h30. Entrée libre.

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 17:46

IMGP7906.JPG   * La peinture, c'est fini, foutu, après la photo, les provocations dadas, les installations de mauvais goût, la mort de l'idée de beauté, de représentation !!! Restent les peinturlureurs du dimanche, les rétros, les réacs, inconscients, archaïques, dessinateurs désuets, sanguinisres fossilisés, aquarellistes constipés, maniaques de la couleur..Ou, plus simplement, artisans du trottoir sensibles aux retombées matérialistes dans une société ignare et snob, mesurant sa modernité et sa clairvoyance à l'acquisition d'un tableau...

   Dans une société où l'image est omniprésente, à quoi bon peut encore servir la peinture ? L'art n'est-il plus qu'installation d'objets au rebut, manifestation d'une idée, véhicule d'un cri, simulacre et provocation..?  Où la nostalgie des reconstitutions  et descriptions miniatures d'un intérieur domestique hollandais..? Le réactionnaire, c'est vraiment bibi..!

 

   * Tout est faux : tableaux, lèvres et fesses, passeports et billets de banque, les livres de PPDA, son entretien avec Castro, son interview du bon Dieu : sa vie, son oeuvre, son existence...

   La motivation des faussaires est, bien sûr, le gain, l'argent, mais en trichant et imitant ce qu'ils croient être "le vrai", le billet de banque, alors que celui-ci n'est que fiction, code, échange monétaire virtuel, des "écritures" : les faussaires sont eux-mêmes trompés ! Ils donnent, paradoxe, vie  et authenticité à ce qui n'est que mort, échange froid. Le vrai est faux et le faux qu'ils fabriquent n'est pas un faux au second degré; il devient le réel: la preuve en est, qu'il perturbe les échanges normaux et que les faussaires sont traqués avec force. En imitant le beau (le tableau, la sculpture), en contrefaisant à plusieurs exemplaires, ils donnent consistance, vie et donc vérité à l'oeuvre d'art, multipliée, loin de l'original unique. La reproduction n'est qu'un leurre, une frustration, un faux elle aussi.

   Au simulacre, on préfère bien sûr l'original, mais celui-ci s'avère souvent hors d'atteinte du regard commun. Les truqueurs, en devenant faussaires, font part de leur ressentiment face à leur manque. Ils font pitié, ils sont vraiment tragiques...

 

   Ne conservons que les aspects positifs de la fausseté. Le faux, c'est, pour plagier La Bruyère, l'hommage que le faux rend à l'authentique... 

 

   * En littérature aussi les falsifications sont légion; il existe les plagiats mais excusables si on se réfère à la modestie de Montaigne : "On ne fait que s'entregloser." Il existe les Nègres, les faux auteurs, les doubles tels Emile Ajar et Romain Gary, les fausses découvertes (Lettres d'une Portugaise, La chasse à l'Infini de Rimbaud ou "La défense de l'infini" d'Aragon), le roman pornographique "Leila dit tout"...

   Quand un écrivain a le courage de signer un roman comme "Les Faux-monnayeurs", c'est pour renouveler le genre narratif et montrer, avant le Nouveau Roman, ce qu'il y a de faux dans le pacte de lecture traditionnel. André Gide désarticule la narration et joue avec les pleins pouvoirs du narrateur. Le lecteur devient actif, il existe, mais il devint aussi un peu auteur. Dali signait des feuilles blanches à tour de bras, puis ses secrétaires vendaient ces fausses lithographies. Maillol, Rodin et d'autres sculpteurs, pour subsister, ont fait de vraies fausses statues; toute cette production picturale ou statuaire n'est pas condamnable; au contraire, elle mine de l'intérieur la conception vénale de l'art; elle montre que celui-ci est aux mains de la spéculation mondiale !

 

 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 22:21

nez.jpeg  * Le nez, organe peu reluisant, enlaidissant souvent le visage, est pourtant un beau sujet littéraire : lire Cyrano et Gogol... Mais là n'est pas ma méditation. Je veux parler du nez ou de son absence au beau milieu du visage sculptural. 

   En priorité, il semble qu'on (le temps, le hasard des catastrophes, les actes des pillards-délinquants...) en vienne à profaner cette érection corporelle sur les sculptures! Cette constatation m'est venue en visitant le musée des Augustins de Toulouse. En regardant, en particulier, le Gisant de Geoffrey de Vayrols, archevêque de Toulouse, de 1361 à 1378... De même, la Vierge foulant l'hérésie et les anges, tous y passent : pas de pitié ! En revanche est bien conservé, dans le solide formol de la pierre, le profil au nasal énorme de Louis XIV en médaillon, par Marc Arcis, du 17ème siècle...En outre, Alain Decaux, dans "Le belle histoire de Versailles", nous apprend, à propos des bobos de Louis XIV, que l'on soignait la dent cariée avec un purgatif composé de poudre d'écrevisse, de vipère, de tamaris, de crottins de cheval... et que l'on nourrissait le pauvre malade par...le nez !

 

   * Gogol mourut le nez mangé par les sangsues; les deux narines formant un baveux robinet. Paf sur le pif ! Et c'est la mer Rouge ! L'écrivain mourut le 4 mars 1852, à Moscou, le nez en feu, sucé à mort par les hirudinées... Nabokov dit de lui : "La bedaine est la belle fille de ses récits; le nez, leur beau gars."

   Le nez est au centre du visage comme au centre de la vie... Chacun connaît les plaisirs intimes et secrets d'un rigoureux curage de nez !!!

 

    Sur le nez en peinture, je me suis attardé à Barcelone, au MNAC, sur le tableau de B. Llorente (Séville, 1680/1759) : "Le tabac, allégorie de l'odorat".

 

   * Le nez et la psychanalyse. On sait que le rêve de "l'homme aux loups" donna à Freud la clé de la psychanalyse célèbre de cet homme de vingt-trois ans; l'idée fixe  de Sergueï était son... nez ! Il le considérait comme défiguré pour toujours en raison des boursouflures causées par les glandes sébacées : elles avaient laissé des cicatrices affreuses, des balafres, des crevasses, et même des trous... 

   Cette histoire de nez, d'allergies, de blocage des narines me ramènent à mes propres problèmes de rhume incessant, à mes nasaux en constante érection... On a voulu m'ôter (lire le récit dans "L'infini de l'enfance") les polypes qui obstruent les fosses nasales; on a voulu remédier à ma cloison déviante  qui m'empêche de bien respirer : "Votre cloison est déviée, c'est la cause de tous vos malheurs!"; on a voulu rectifier toutes ces malformations, redresser les cloisons, on m'a brûler, à Toulouse, la muqueuse, avec les fameuses pointes de feu... C'est la cautérisation à l'aide d'un cryocautère... Un charlatan (de la ville rose, encore !) a conclu, au bout de trois séances que ma maladie nasale ne pourrait être guérie que si j'arrêtais de me goinfrer de Nutela et je m'attelais à une longue psychanalyse...

   Je me suis souvenu alors de Proust et de ses métaphores médicales : la turgescence du nez laissait place à la tumeur de l'amour, à l'excroissance de la jalousie...

 

   * Peintres catalans : Jaume Huguet (Tarragone 1412- Barcelone 1492) : devant d'autel peint à la demande de la corporation des cordonniers de Barcelone pour sa chape Saint-Marc située dans la cathédrale de Barcelone.

   Bernat Martorell (Barcelone 1427/1452) : la légende de Saint-Georges, 1435. Thème à rapprocher de la toile de Raphaël: Saint-Georges et le dragon (1503/05)  "Le petit Saint-Michel")

 

* En Egypte, Victor Segalen se serait intéressé aux noms et inscriptions, notés sur des carnets oblongs. Au Japon, comme Roland Barthes, il aurait créé un nouveau genre littéraire en transcrivant les signes de la pub et les enseignes lumineuses des mégapoles nippones. Ecritures pérennisées dans la pierre, la matière tombale : croix, panneaux stellaires, écritures de la mort. A l'opposé, les narrations, les bandes dessinées à lire sur les obélisques égyptiens : écritures de la vie...

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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