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23 août 2014 6 23 /08 /août /2014 09:19

 

max-partezana.jpg Serge Fauchier (C) Max Partezana

 

 

 

J'ai rencontré Serge Fauchier il y a quelques semaines pour mon projet de livre sur la "mémoire culturelle" des Pyrénées-orientales (ou Catalogne du Nord). Je publierai demain la suite de l'entretien, sur l'artiste Fauchier.

 

Je publie ce texte aujourd'hui, au moment où une polémique naît à propos de la survie des B.A.-Heart (voir L'Archipel contre-attaque d'hier), après le départ de Jordi Vidal de la directeur de la culture de Perpignan et la contestation de son action. 

 

S. Fauchier m'a reçu tout de suite, sans problème; c'est un homme d'une grande gentillesse, à la réflexion fine et profonde; les critiques affleurent à peine, car SF est soumis au devoir de réserve, mais une fois à la retraite, on espère lire ses mémoires à propos de l'école des Beaux-Arts...  

 

C'est un directeur modeste, proche de ses élèves, attentif aux productions des artistes en herbe.

 

Le débat va se poursuivre... La nouvelle polémique s'engage... Le maire, J.Marc Pujol va être interpellé sur un nouveau front, après celui du commerce du centre-ville....

 

Vers une disparition prochaine des BA de Perpignan..? Certes, l'école coûte à la mairie près d'un million d'euros par an, mais 8 fois moins que l'Archipel…Et la jeunesse d'ici a besoin de cette ouverture vers l'art, ainsi que les écoles primaires qui profitent des actions pédagogiques des BA…

 

Abandonner les BA, ce serait tuer un peu la culture et la vie du centre-ville. Ce serait renoncer à ce que l'on peut estimer inutile et qui, pourtant, est au coeur de la vie humaine : l'art, le rêve, la création…

Personnellement, j'ai suivi les animations (fin d'année, réalisations des étudiants, nuit des musées) des deux années écoulées et je n'ai rien ressenti à la vue des "créations" montrées au public… 90 % des "installations" contemporaines me semblent encombrer les musées et disparaîtront dans quelques années. J'estime cependant que la recherche, les nouveaux courants, l'épanouissement de soi… doivent être aidés et consolidés. 

 

Parmi la masse peu lisible de ces réalisations, l'oeuvre d'un artiste insolite et original peut naître ! Doit jaillir ! 

 

Les Beaux-Arts, dans leur dualité -tradition et contemporainité- doivent être préservés !!!

 

J.P.Bonnel

 

 

- - - 

 

Entretien avec Serge Fauchier - Directeur de l'Ecole des Beaux-Arts (HEART) de Perpignan

 

 

1. Le directeur.

 

S.Fauchier me reçoit dans son bureau très modeste, à l'entrée de Heart (jeu de mot avec Heart et les liens de ce centre avec l'école d'art de Genève); il est responsable de l'école depuis 2008. Jordi Vidal, directeur de la culture à la mairie de Perpignan, gère le Centre d'Art Contemporain.

 

 

Les deux établissements sont très liés car les activités de second cycle s'appuient sur le CAC; de même, en première année, l'option "arts" se déroule au CAC et le design à Heart. "Nous organisons aussi des conférences, développes par les événements du centre contemporain : projections, contact avec "Imago", publication de Guy-Claude Mari, dont l'association est partenaire. Tous les mois, Mari organise une projection pour les étudiants, sur l'essai au cinéma et sur les documentaires."

 

Les professeurs  travaillent, de mai à mai, avec les étudiants de 3ème et 4ème années. Viennent ainsi à Perpignan le Canadien Stefan Wright, de l'école de l'image; le Suisse Ance , qui a écrit sur Guy Debord et sur Walter Benjamin et le Romantisme; le philosophe Bruce Begout, originaire de Bordeaux...

 

 

Les moyens financiers de l'école proviennent de l'EPCC, qui est autonome, mais le financement se fait par la ville de Perpignan et par la Drac : des professeurs sont payés par la municipalité, par le ministère de la culture et d'autres par l'EPCC : "L'Etat -la DRAC- se désengage; la part de la mairie est à présent de 80% du financement de l'école !

 

Depuis 2010, l'établissement est autorisé à recruter; cette année, la première année compte quatre-vingt élèves. A partir de la réforme de 2008/009, il est possible de mettre les écoles en réseau.  "Nous avons des difficultés financières", explique S. Fauchier. "Nous avons 14 enseignants alors que Nîmes, ville équivalente, en dispose de trente, avec un budget double. En tant que directeur, je m'occupe de tout : de l'organisation de la pédagogie, des profs; le but est de rendre une crédibilité aux enseignants de notre époque ! La partie administrative est assurée par Isabelle Dulac, venue de la direction de la Drac; elle assure un tiers de son emploi du temps à Perpignan. 

 

 

Le projet de l'école : la transmission et le document. 

 

La transmission. Chaque semaine, il y a un projet autour d'un sujet, d'une technique : dessin, son, photo, vidéo, infographie...avec des réalisations. La proposition est d'origine individuelle ou collective.

 

Le diplôme est décerné à partir de la troisième année : il s'agit de réaliser un mémoire, non universitaire, autour de la recherche personnelle. Ensuite, s'imposent des stages, l'obligation de faire des cours dans les écoles ainsi que la réalisation d'un mémoire sur un an et demi; c'est un texte écrit accompagné d'un DVD et de réalisations plastiques. "On établit des passerelles entre la pratique personnelle et les choix théoriques des élèves.", explique S. Fauchier. Cinq crédits de mémoire sont à obtenir pour la réalisation de ce mémoire...

 

 

L'école s'adressait d'abord, les années précédentes, aux écoles primaires et maternelles en accueillant des classes entières Aujourd'hui, cette action est en sommeil, en raison de l'étroitesse des locaux. Cependant deux professeurs vont encore directement dans les écoles en intervenant pendant un à trios jours. L'enseignant qui intervient parle de ses projets avec les étudiants qui participent à l'expérience pédagogique.

 

Pour 2015, sera lancé  le projet d'inviter des artistes durant un trimestre. 

 

La seconde partie de l'école concerne la documentation. Il s'agit de documents au sens le plus large possible : montrer comment il s'introduit dans les pratiques esthétiques. C'est M. Bader, spécialiste de la photo documentaire, assure les cours de 4ème et 5ème année; il vient deux fois par mois à Perpignan. Il est commissaire de l'actuelle exposition sur "Walter Benjamin, ange de l'Histoire".

 

 A l'époque, il y a quelques années, existait un pont entre "Visa pour l'image" et l'Ecole d'Art : l'histoire et l'analyse de l'image documentaire pouvaient être expliquées...

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22 août 2014 5 22 /08 /août /2014 11:48

Lleida_-_La_Seu_Vella_-des_de_Cappont-.jpg La ville de SORT (province de Lleida : Lérida)

 

 

 

Le reportage, hier 21 août, dans le quotidien "Libération" sur "Les chemins de la liberté", était passionnant. Il raconte l'épopée de ces gens fuyant le nazisme et le régime de Pétain, passant par les neiges ariégeoises à 2500 mètres et arrivant en Catalogne : là, les carabiniers les attendaient et les mettaient en prison.

 

Le journaliste s'attache au petit village de SORT, dans la région de Lérida et à son église gothique, qui va devenir la prison de ces malheureux...

 

Dans les prisons franquistes, ces exilés sont parqués avec les milliers de Républicains arrêtés par les fascistes... IL devront attendre des mois avant que la Croix Rouge internationale puisse s'occuper de leur... sort !

 

Il est à noter, cependant, que le régime franquiste ne renverra pas en France, occupée par les nazis et par le régime de Vichy, ces Résistants, Juifs ou militaires alliés fuyant la peste brune  malgré les accords entre Franco et Hitler...

 

Ils furent quelque 3000 mille à partir du Couserans et à être arrêtés et entassés dans la chapelle de Sort. Guy Seris, le responsable du musée de St-Girons consacré à ce chemin de la liberté, décrit le sentier le plus mythique, reliant St-Girons à Alos d'Isil, en Catalogne  (une marche est organisée chaque année au mois de juillet).

 

Cet article m'a rappelé la visite récente faite au cinéaste Philippe Soler (à Céret), m'apprenant que son film sur les Juifs fuyant par le Valier enneigé sera diffusé le 9 septembre à 20h30 sur TV3 (documentaire financé par la Generalitat, mais pas par la France…)

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21 août 2014 4 21 /08 /août /2014 16:13

moi-a-montlouis-copie-1.jpg (C) Nad de Brabandère

 

 

Mon anniversaire ! Je ne dirai pas combien de décennies, mais j'ai eu le plaisir de passer ma journée à répondre à des dizaines de messages ! Merci à tous et vive la communication !! Cela fait plaisir d'être appelé, de recevoir un mot, une phrase... ça console, même si je ne trouve aucune consolation, même en lisant Boèce ou en rendant hommage à Notre-Dame de Conso...

 

En ce jour unique, je ne dirai pas de mal dans mon blog, de personne, ni d'aucun parti... Je garde mes flêches pour la rentrée, pour les universités d'été, pour  tout ce rituel mou, insipide et inutile !!

 

Rendez-vous dans un an et dès demain, ici, si vous le voulez bien...  JPB

 

En attendant je vous propose de nous retrouver au dernier "jeudi de Perpi", ce soir, écouter D. Kélembé et aussi ce groupe, suggéré par Muriel, l'infatigable reporter et amie des artistes, intermittents ou pas :



*** Un super concert gratuit et engagé en after des Jeudis de Perpignan pour bien clôturer la saison, c'est Machino & Reno, et c'est ce jeudi à 23h à l'Ubu CHILL SPOT - Place Rigaud !!!!
« Bienvenue dans le monde des chansons engagées, ouvert à tout le monde. Il est temps d'y entrer.
Bienvenue dans le monde percutant des poètes, une réalité profonde qui leur donne une raison d'être.
Bienvenue dans le monde de la zique festive, de la tchatche et du verbe, des useurs de salives...» Ce TRIO ne manquera pas de vous faire remuer, avec des textes décalés mais très justes, et toujours le sourire aux lèvres
Jeu 2108 Machino & Reno Trio - Rock engagé
23h - Concert FREE After des Jeudis de Perpignan ! 

(Information de Muriel MEYER)

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20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 10:55

caligula-sc3a9ance1.jpg     Le professeur Eugène Kouchkine (à gauche) au théâtre de Saint-Maur pour un exposé sur Caligula.

 

J'étais en train de reprendre mes lectures estivales de Camus pour préparer les conférences proposées fin octobre, par les AIAM (Amitiés internationales A.Malraux) * quand je lis dans Le Monde de ce mercredi un article : "16 avril 1994, B. Stora quitte Sartre pour Camus"...

 

 En effet, c'est un article du "Monde des livres" qui va changer la vision que l'historien du Maghreb avait de Camus; il lit d'une traite Le Premier homme

   "J'en avais les larmes aux yeux. Je l'ai relu une semaine plus tard. Quelle force ! On était, après la chute du mur de Berlin, en pleine crise des idéologies... Cette lecture a totalement bouleversé l'image que j'avais de Camus et de la littérature. Vingt ans plus tôt, alors que j'étais un jeune étudiant d'extrême gauche, j'avais été influencé par J.P. Sartre…" 

 

Lire Camus brûlant de B. Stora (voir ce blog, été 2013).

 

Je relisais donc ces phrases fameuses de Camus, telle "Oui, j'ai une patrie, la langue française.", à l'opposé de l'imposture d'un incertain J.M. Hoerner qui fait du prix Nobel un Catalan… (sur les textes de Camus en Catalogne, lire les Carnets, et pages 67 et 1213 de l'édition de la Pléiade, oeuvres I.)

 

Je revenais sur ces textes courts et poétiques, mi-fictions, mi-réflexions, de L'envers et l'endroit; ainsi "L'amour de vivre" où il est écrit : "Pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre."

Je relisais Le discours de Suède et les articles pour l'Espagne républicaine (lire Lou Marin : Camus libertaire)… Tant à relire ! On en reparlera à l'occasion de la venue en Roussillon d'E. Kouchkine, un des maîtres-d'oeuvre de la nouvelle édition de La Pléiade !!!

 

J.P.Bonnel

 

* Les Amitiés Internationales André Malraux

ont le plaisir de vous inviter au cycle de

conférences présenté

du 21 au 26 octobre 2014, par

Eugène KOUCHKINE

à l'occasion du centenaire de la naissance

d' Albert CAMUS. 

 

du 21 au 28 octobre, les conférences auront lieu, à 18 h, à Perpignan (Palais des Congrès), à Vernet les bains, à Elne, à Collioure, à Saint-Cyprien, à Canet…(avec l'aide des municipalités et d'associations comme "Rivages des arts", "Les amis d'Illibéris", le Mas Baux…

 

 

** Eugène Kouchkine est maître de conférences en littérature française et comparée à l’Université de Picardie Jules Verne. Il a soutenu une thèse de doctorat intitulée : Les œuvres de jeunesse d’Albert Camus (l’évolution de l’existentialisme littéraire en France).

En 1982, il publie sa monographie : Le premier Camus. Il a participé à la nouvelle édition des Œuvres complètes de Camus,

Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, contribué au Dictionnaire Camus (2009) et au Dictionnaire Malraux, en 2011. Il est actuellement membre du Centre d’Études du Roman et du Romanesque à l’Université de Picardie, ainsi que du Conseil administratif de la Société des Études Camusiennes (S.E.C)et des Amitiés Internationales André Malraux (AIAM).

 

Camus-Don-Quichotte140.jpg E. Kouchkine, deuxième à gauche. Est aussi présent J.Louis Meunier qui, en octobre 2013, est venu nous parler de Camus et l'Algérie, à Elne, et du philosophe au lycée Renouvier de Prades (avec les AIAM et notre ami Jean Bigorre).

 

- - -Un texte d'E. Kouchkine : 

 

LES JUSTES (1949)

Mise en scène en décembre 1949, au Théâtre Hébertot, cette pièce appartient au deuxième cycle des œuvres de Camus, celui de la Révolte. Apre, tendue et profondément lyrique, elle traduit son désir de créer une véritable tragédie moderne tout en croyant que l’époque s’y prêtait. En pleine guerre froide, Camus poursuit une réflexion sur la question de la violence qui s’impose à lui en termes de conscience intellectuelle et morale. L’antagonisme de deux notions positives, l’amour de la vie dans toute sa plénitude et la justice sociale, lui paraît alors essentiel.
La pièce s’écrit pendant la longue élaboration de L’Homme révolté dont le chapitre « Les meurtriers délicats » sera consacré aux protagonistes des Justes. Dans la Russie de 1905 qui lui semblait surgir des Démons de Dostoïevski, Camus trouva ce qu’il cherchait: une sorte d’équivalent éthique pour parler de son temps. Au terrorisme, il assignait un caractère exceptionnel de « rupture » et lui imposait la notion de limite nécessaire. Impressionné par la mort héroïque des jeunes révolutionnaires russes, il rassemble sur eux une importante documentation iconographique et écrite. Le livre des souvenirs du célèbre terroriste Boris Savinkov lui fournit le sujet et les personnages, l’exemple d’une pratique de la violence liée à la responsabilité personnelle. Ivan Kaliayev payait sur l’échafaud la vie qu’il avait prise au grand-duc. D’autre part, refusant l’infanticide, il sauvait l’honneur de la révolution. C’est justement ce refus de la « violence confortable » que Camus accentue dans l’action de ses personnages. Par ailleurs, il saisit des motifs christiques dans le comportement de certains terroristes, « cet amour plus grand que tous: celui de l’homme qui donne son âme pour son ami ». (OC, t.2, p.1091) Il est séduit par leur « exigence personnelle » qui les poussait à la terreur et par leurs « paradoxes » : l’abnégation qui allait jusqu’au mépris de leur propre vie et le respect de la vie humaine, leur foi dans la terreur et les doutes qui les déchiraient dans la pratique de la terreur. Tout en reconnaissant le caractère inévitable de la violence, ils avouaient qu’elle était injustifiée. « Nécessaire et inexcusable, c’est ainsi que le meurtre leur apparaissait »- c’est la formule par laquelle l’auteur présente les héros de sa pièce.
Certes, Camus n’écrit pas une pièce historique, son souci étant de « rendre vraisemblable ce qui était déjà vrai ». Il idéalise les personnages, en laissant dans l’ombre ce qui pourrait ternir leur image. D’autre part, il tient à réussir une véritable tragédie d’amour, d’une passion plus humaine que symbolique, même et surtout si cet amour doit rester impossible. L’opposition entre le devoir de servir la justice et le sentiment pour un être aimé ne laissera aux amants qu’une seule issue, « le sang et la corde froide ». Inséparable de Kaliayev, Dora est une figure essentielle de la pièce et manifestement le porte-parole de l’auteur. Comme dans une tragédie antique où l’hubris est puni, Dora, tout en restant fidèle à la cause révolutionnaire, est consciente de la démesure de leur entreprise et reconnaît la faute de la transgression.
Or, Camus ne conçoit pas de justice sans chance de bonheur. Dans la pièce, elle est présente sous deux formes – l’amour et le renoncement. Aux antipodes d’abord, les deux héros-idéologues Kaliaïev et Stepan semblent se rapprocher à mesure que la pièce touche à son dénouement et laisse l’impression que Stepan a déjà effectué le parcours de renoncement dont les deux autres protagonistes prennent le chemin. Mais l’ultime aveu de Stepan Je l’enviais marque la victoire morale de Yanek sur le nihilisme. Or, Yanek mort dans le renoncement, il ne reste à Dora et à Stepan qu’à le suivre, ils se ressemblent tous maintenant.
Camus construit un cadre de clandestinité, statique et abstrait, d’un extrême dépouillement. Une constante unité de ton qui laisse une impression glacée, voulue par l’auteur. Le froid délibéré de l’atmosphère exprime physiquement le renoncement des personnages à ce qui est la vie vivante. Le silence ponctue le discours et souvent le suspend, un silence qui crie. Le huis clos, le temps qui paraît figé proposent une sorte de portrait métaphorique de l’intériorité de ces « bombistes ». Après l’assassinat du grand-duc, vivre pour Kaliayev devient une « torture», « la justice même est désespérante ». Les cris de Dora qui martèlent tragiquement le dépassement de soi de l’héroïne aboutissent à son verdict: « Nous ne sommes pas de ce monde. Nous sommes des justes. Il y a une chaleur qui n’est pas pour nous. Ah! Pitié pour les justes ». La dernière exclamation nomme le sentiment que devait, en fin de compte, susciter la pièce. Ce destin que Camus veut exemplaire, est aussi, au niveau de la révolte à présent, une histoire de « suicide supérieur », une « tragédie de l’intelligence ».
Cependant, dans la vision du dramaturge, ses « admirables révoltés » choisissent de mourir pour que la justice demeure « vivante », c’est-à-dire « une brûlure et un effort sur soi-même ». Elle meurt dès qu’elle devient « un confort », un « meurtre par procuration ». Camus voyait sa pièce comme une tragédie qui n’offrait pas de solution hormis la mort, mais n’en restait pas moins une pièce d’espoir. Nul doute qu’en ce sens Dora et Yanek restent, à ses yeux, des personnages exemplaires: aux prix de leur vie, ils sauvegardaient ce qui est sacré dans l’esprit de la révolte. Au milieu du XX-e siècle leur exemple, espérait-il, pouvait rendre la révolution à nouveau révolutionnaire.
Les « justes » continueront à vivre dans la mémoire de Camus. En 1955, il tiendra à préciser qu’il « admire » et qu’il « « aime » toujours ses deux héros : Kaliayev et Dora. Sans doute, voyait-il en eux des personnages de Dostoïevski. En 1957, quand les bombes explosaient à Alger et Camus le ressentait comme une tragédie personnelle, il pensait à sa pièce « russe »: « J’aimerais remonter Les Justes qui sont encore plus d’actualité aujourd’hui ». Travaillant au Premier Homme, il revenait encore à Kaliayev. L’idéal d’une haute conscience morale où la douleur d’autrui devenait l’aune à laquelle on mesure tout progrès historique, dicta en conséquence l’ensemble des choix du dramaturge. Et c’est par cette exigence à la fois morale, lyrique et politique que la dernière pièce de Camus s’impose comme une oeuvre mémorable pour inscrire sa note unique et vivante dans la sensibilité contemporaine.

Eugène Kouchkine

Indications bibliographiques : Raymond Gay-Crosier, « Le jeu ou la tragique comédie des Justes », Revue des lettres modernes, n° 419-424, 1975, p. 45-70 ; Maurice Weyembergh, Albert Camus ou la mémoire des origines, Bruxelles, De Boeck, 1998, p. 177-186 ; Alain Béretta, Les Justes, Ellipses, 1999 ; Jeanyves Guérin, « Pour une lecture politique des Justes de Camus » in Jean-Pierre Goldenstein et Michel Bernard (dir.), Mesures et démesure dans les lettres françaises au XXeme siècle. Hommage à Henri Béhar, Honoré Champion, 2007, p. 97-110 ; Albert Camus, Œuvres complètes, t.3, Gallimard, coll. « Bibl. de la Pléiade, 2008, éd. par Eugène Kouchkine.

 

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 12:43

images-copie-7.jpeg Catherine Millet

 

Je poursuis le compte-rendu de mes grandes lectures estivales. Voici C. Millet, dont j'ai parlé à plusieurs reprises (sur la vie sexuelle de Dali, sur sa venue à Perpignan, grâce au CML, sur son époux Jacques Henric : dialogue au café de la Poste...).

   Elle nous avait habitués, la directrice d'Art Press, à des récits libertins et dynamiques...Mais ici, à part quelques touches sur l'éveil sexuel de l'enfant...

 

Avec le récit autobiographique qu'elle publie cette année chez Flammarion, le lecteur est face à une écriture lente, classique, étudiée et belle jusqu'à l'ennui... Pas d'écart de langage, pas de volonté de faire du style, d'inventer des images, de chambouler la syntaxe. Seule semble compter la vérité de l'enfance à dérouler sans chapitres, sans froufrous...

 

C.M. raconte ses premières fois, sa découverte de la vie, les portraits des membres de sa famille. Surtout elle essaie de comprendre "comment on peut grandir sans se fabriquer une morale." 

 

C'est sans doute le passage sur les lectures de l'enfant et sur son désir d'écrire qui est le plus intéressant : à la page 106 : "Je mettais en place le pouvoir des mots sur moi-même. On peut manquer d'un toit, d'un amour, de tout, mais ne pas disposer des mots qui désignent sa souffrance est à mes yeux le malheur extrême…"

 

Un peu plus loin, elle s'identifie à Cosette et fait référence à David Copperfield, pour raconter les ennuis de la vie domestique et les déchirures familiales, la mésentente de ses parents. 

 

La naissance de l'écriture est partout. Catherine Millet a toujours eu la certitude qu’elle écrirait, un jour. Elle commence à mener une "vie dédoublée", faite de matière réalisée et de matière rêvée, dès son plus jeune âge. "La fiction avait fonction d’une cachette que je transportais avec moi comme la tortue sa carapace qui la protège."

 

J'aime ce passage sur Collioure, où la mère louait un deux-pièces près du boramar et des anciens remparts (Catherine parle d'ailleurs du vieux ciné installé à cet endroit) :

 

La famille est en vacances. Dans les alentours de Collioure, lors d’une promenade à pied, le frère perd son canif. Il s’en aperçoit, le soir, une fois rentré. Ils décident de refaire ensemble la route, le lendemain, dans l’espoir de retrouver le petit objet sans doute tombé de la poche du frère. Cela tiendrait du miracle. Ils vont pourtant le retrouver. Catherine Millet revient sur ses pas et réinvestit la noirceur de l’enfance...

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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 16:48
Description de cette image, également commentée ci-après

David Foenkinos 

 

 

Encore en villégiature en Ariège, pour une randonnée au pic des Trois seigneurs, à partir du lac bleu (après Tarascon, vallée de Rabat-les-trois-seigneurs), je n'ai pas pu avoir accès à internet et donc, je n'ai pas pu alimenter mon blog, ma drogue quotidienne...

 

Ah, maudite montagne de la mère (dourage) Ariège, qui mempêche d'écrire et qui, surtout, ne m'a pas permis de parler du film de David Foenkinos : La délicatesse, son film qui fut diffusé dimanche soir...

 

David F. est un jeune romancier talentueux, nourri de culture et d'humour : André Bonet m'a invité à le rencontrer, il y a quelques semaines à Perpignan et le contact fut tout de suite chaleureux. David F. a voulu lire mon livre sur W. Benjamin car il travaille sur le même thème, la même époque, comme l'explicite ci-dessous André Bonet (merci à lui et à son texte publié sur le site du CML).

 

D. Foenkinos doit revenir à Perignan enseptembre : j'espère le retrouver et parler de Charlotte Salomon...

 

 

COUP DE COEUR DE LA RENTREE LITTERAIRE : "CHARLOTTE" DE DAVID FOENKINOS : IL N'Y A PAS DE MOTS POUR DIRE L'EMOTION QUE PROCURE LA LECTURE DE CE LIVRE BOULEVERSANT, RARE ET BEAU. LE GRAND ROMAN DE LA RENTREE !

Ce roman retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte. Après une enfance à Berlin marquée par une tragédie familiale, Charlotte est exclue progressivement par les nazis de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France. 

 

Exilée, elle entreprend la composition d'une œuvre picturale autobiographique d'une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin en lui disant : «C'est toute ma vie.» Portrait saisissant d'une femme exceptionnelle, évocation d'un destin tragique, Charlotte est aussi le récit d'une quête. Celle d'un écrivain hanté par une artiste, et qui part à sa recherche. 

  (André BONET et le CML)

 


 

 La Délicatesse 

La délicatesse

 

Genre : Comédie dramatique

Année de sortie : 2011

Acteur : François DamiensAudrey TautouBruno Todeschini

RésuméNathalie a perdu son mari il y a trois ans. Hantée par le souvenir, elle se réfugie dans le travail et semble avoir mis un terme à sa vie sentimentale. Elle rejette tous les hommes, y compris son séduisant patron. Son entourage s'inquiète. Pourtant, un jour, sur un coup de tête, elle embrasse Markus, un collègue de travail, qui n'est même pas beau garçon. L'événement aurait pu être sans lendemain. Mais de fil en aiguille, Markus s'attache à la fragile Nathalie, tandis que cette dernière s'adoucit au contact de cet être un peu gauche. Markus et Nathalie suscitent rapidement les interrogations de leurs collègues, puis leur franche désapprobation...

 

 

David Foenkinos

David Foenkinos

Description de cette image, également commentée ci-après

David Foenkinos au salon du livre Radio France, le 26 novembre 2011.

David Foenkinos, né le 28 octobre 1974 à Paris, est un romancier français.

 

 

Il étudie les lettres à la Sorbonne, tout en se formant au jazz, ce qui l'amène au métier de professeur deguitare. Son premier roman est publié en 2002 chez Gallimard. Ses romans sont traduits à l'étranger, dans trente-cinq langues.

Selon Le Figaro, il fait partie des cinq plus gros vendeurs de romans en 2011.

David Foenkinos avoue une admiration sans bornes pour l'œuvre d'Albert Cohen dans son ensemble, ce qui l'amène à décliner régulièrement le thème de l'amour dans ses œuvres littéraires. Il se consacre principalement au roman.

Ses œuvres sont empreintes d'une légèreté à la fois loufoque et jubilatoire, et pleines d'humour. Ceci est particulièrement remarquable dans Le Potentiel érotique de ma femme qui a obtenu le prix Roger-Nimieren 2004. L'écriture enlevée y décrit, derrière l'ironie, les ravages de la collectionnite, l'angoisse de l'abandon et les difficultés de l'amour. Le caractère imprévisible du coup de foudre est mis en scène dansEntre les oreilles. Dans En cas de bonheur, David Foenkinos aborde les relations de couple et l'adultère avec drôlerie et tendresse. Ses romans Nos séparations et La Délicatesse sont également consacrés à l'analyse subtile et émouvante des comportements amoureux qui peuvent se révéler parfois farfelus.

Dans ce contexte, sa participation à la collection « Ceci n'est pas un fait divers » dans laquelle il a publié Les Cœurs autonomes, roman inspiré de l'affaire Florence Rey, a pu surprendre. Il l'a justifiée en disant que ce livre a pour sujet l'amour, comme ses romans précédents. Ce qui l'a intéressé dans ce fait divers sanglant est en effet le rapport entre la folie amoureuse et la folie meurtrière. Il y décrit l'enfermement de Florence Rey et d'Audry Maupin dans une passion autarcique qui les détruit et les mène à la chute.

André Bonet 

 

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16 août 2014 6 16 /08 /août /2014 19:37

 

images-copie-6.jpeg ,Banyuls (villa Marguerite..?)

 

 

Le journal du jeune Werner Thalheim témoigne d’un chapitre sombre de l’histoire du 20e siècle qui força un grand nombre de personnes à des exils à l’issue parfois dramatique. Au milieu des années 30, des antifascistes allemands s’installent ainsi, à l’aide des Quakers anglais, dans une ferme abandonnée en Catalogne française. Pédagogues passionnés, ils vont y créer « La Coûme » et accueillir pendant de longues années des jeunes de toutes origines auxquels ils dispensent un enseignement selon des principes avant-gardistes.

Illustrant de façon vivante le tout début de cette aventure, Werner Thalheim donne avec humour et une distance parfois amusée une vision riche et profonde, non seulement de la naissance de ce qui deviendra plus tard une véritable institution, mais aussi de ce pays catalan. En plus de sa valeur de témoignage, ce récit met en lumière une région attachante : le Roussillon. Concis et fort bien écrit, le texte méritait à côté de sa traduction une publication dans sa langue d’origine, l’allemand.

Werner Thalheim (1906 - 1994), imprimeur et communiste ; exclu du Parti, il rejoint les socialistes, puis fuit l’Allemagne dès 1933 pour la France et l’Algérie. En 1940, il sera interné à Dachau d’où il sortira vivant en 1945. à partir de 1949, il monte la section artistique de l’organisme syndical de la RDA, le FDGB (Freier Deutscher Gewerkschaftsbund) et dirige ensuite plusieurs institutions artistiques de la ville de Berlin Est.

Docteur en littérature allemande de l’université de Hamburg et professeur agrégée d’allemand, Madeleine Claus vit depuis les années 80 en Roussillon. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages en Allemagne.

Née en 1947, Barbara Thalheim fit ses études au Conservatoire de musique ‘Hanns Eisler’ de Berlin et devint dans les années 1970 auteur-compositeur de chansons. En 1995, elle entame une tournée d’adieu, et en 1999 elle revient sur scène. Elle a enregistré de nombreux disques et publié Mugg en 2000 et Tout est vie avant la mort en 2011.

Traduction de l’allemand : Annick Carlier Photographie de couverture : Werner Thalheim

en 1938 à Paris © Studio Stern, Barbara Thalheim ISBN : 978-2-343-03403-4

13.50 €

Werner Thalheim

Une commUnaUté d’antifascistes allemands dans les Pyrénées orientales 1934-1937

la coûme-mosset

Présentation de Madeleine Claus Postface de Barbara Thalheim édition bilingue Français-Allemand

Allemagne

d’hier
et d’aujourd’hui

 

Vincent Azéma

Vincent Azéma, le maire de Banyuls, va aider les réfugiés à échapper vers l'Espagne, indiquant les passages clandestins assurés.
C'est ainsi que Walter Benjamin, Hans et Lisa Fittko, Henny Gurland et son fils Joseph, arriveront à bon port le 24 septembre 1940.

Les lieux de sauvetage des Pyrénées-Orientales

Collège des Frères maristes 66600 Espira-de-l'Agly 
Couvent des Dominicaines 66000 Perpignan 
Maternité d'Elne 66200 Elne 
Sanatorium des Escaldes 66760 Angoustrine-Villeneuve-des-Escaldes 
Villa de Roselande 66760 Angoustrine-Villeneuve-des-Escaldes 
Villa Saint-Christophe 66140 Canet-en-Roussillon 

 

 

 

***  La maternité d'Elne, près de Perpignan / France Inter

Au cœur des Pyrénées-Orientales, dans la petite ville de Elne près de Perpignan, il existe un château appelé "Château d'en Bardou" dont on a récemment découvert qu'il avait servi en 1939 et 1944 de maternité pour des républicaines espagnoles.

FRANCEINTER.FR

 

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15 août 2014 5 15 /08 /août /2014 15:04

Unknown-copie-3.jpeg Josep PLA.

 

 

 

Je reviens au romancier de Palafrugell en citant un extrait de son autobiographie romancée (dans l'édition de 1982, chez J.Chambon; depuis une édition intégrale est disponible chez Gallimard).

Spectateur immobile dans le province de Gérone, il reprend ses notes de jeunesse et rédige son journal intime, le recompose, autour de deux années essentielles, 1918 et 19. Retiré dans l'Ampourdan, sur une terrasse donnant sur la mer de la Costa Brava, il feint d'accepter la victoire franquiste. En fait, par son oeuvre, il s'engage en donnant une oeuvre catalane, le point de vue d'un homme et d'un auteur catalans, faisant vivre tout un peuple, la Catalogne étouffée par Franco… (JPB)

 

"…De la plage, alors qu'il tait déjà noir, on voit passer la farandole. Dans les cercles lumineux que font les becs de gaz des maisons s'avance d'abord un nuage de postière. Dans le nuage s'avance la cobla qui joue avec un son nasillard l'aires, l'aires, l'aires de la matinada. Un épais détachement d'enfants, la jeunesse du paissait en sautillant au son machinal de la musique par rands de quatre ou six en se donnant le bras. La poussière a une couleur rougeâtre….

C'est truculent et amusant. Les érudits disent que les farandoles pourraient être une réminiscence des anciennes fêtes bachiques…" (page 173)

 

 

* Les masques du moraliste du Catalan Josep Pla

 

 

La catalane est une petite grande littérature. Elle fut éblouissante au Moyen-Age : Ausias March est à la hauteur des plus grands poètes du XVe siècle (ou des plus grands poètes tout court), et Cervantès a dit que Tirant le Blanc, le roman de Joanot Martorell, était «le meilleur livre du monde» (de fait, il est impossible de comprendre le Quichotte sans le Tirant) ; après une longue période d’obscurité, l’éblouissement est revenu au XXe siècle. Davantage, selon moi, par la poésie que par la prose ; avec quelques exceptions, dont Josep Pla.

 

Pla est né, a vécu et mourut dans la région de l’Ampurdan, de l’autre côté de la frontière française. Même s’il faisait tout son possible pour le dissimuler, c’était un homme très cultivé ; avant tout, de culture française : venant directement de Montaigne, des moralistes du XVIIe et du XVIIIe siècle et de Stendhal, finalement de Proust. Pour cette raison peut-être, ce n’est d’ordinaire pas une lecture de jeunesse, en tout cas ce ne le fut pas pour moi : il manque d’imagination et d’enthousiasme, jamais de pessimisme. Rien ou presque ne définit mieux sa vision du monde que sa théorie du pourboire. On se lève le matin et la fin du monde n’est pas arrivée : pourboire. On écrit un article pour Libération et il y a quelqu’un pour trouver que ça ne vaut pas rien : pourboire. Pour Pla, on vient au monde pour éviter toutes les catastrophes possibles et pour encaisser tous les pourboires possibles. Des vers mémorables de Ricardo Reis, l’hétéronyme de Pessoa, résument cette pensée : «Mais pour celui qui rien n’espère, tout ce qui vient est un bienfait.»

Pla fut avant tout journaliste, ou plutôt écrivain de journaux ou dans les journaux ; en tout cas, il aurait été d’accord avec le docteur Johnson affirmant que seuls les idiots écrivent sans être payés. En dépit, ou précisément à cause de ça, c’était un graphomane. Son œuvre est énorme, elle aborde presque tous les genres (y compris le roman, genre qu’il disait mépriser, peut-être parce qu’il se sentait, à raison, moins propre à l’exercer). Elle peut ou même doit être lue comme une autobiographie vaste et secrète, dont le protagoniste est sa grande création : un paysan narquois, sceptique, ironique, hédoniste, conservateur et mélancolique, nommé Josep Pla. Rien d’impudique dans tout ça ; au contraire : rappelons-nous que, en latin «persona» signifie masque, et que, comme l’a remarqué Nietzsche, parler beaucoup de soi-même est la meilleure manière de se cacher. Si bien que ce paysan fictif nommé Josep Pla a été le masque utilisé par Josep Pla pour se déguiser ; pour se révéler aussi, car si le masque est ce qui nous dissimule, il est d’abord ce qui nous révèle : de même que le Marcel de la Recherche est plus Proust que Proust, de même le Pla de ses livres est plus Pla que Pla.

Cet aspect est peut-être plus visible que nulle part ailleurs dans les journaux de Pla, la partie la plus intime de son œuvre, la meilleure peut-être. Le Cahier gris est le premier d’entre eux. C’est un livre étrange : un journal de jeunesse écrit dans la maturité ; ou du moins réécrit : Pla a conçu son livre à 60 ans en se fondant sur les notes qu’il avait prises à 20. Le livre s’étale sur à peine plus d’un an et demi, de mars 1918 à novembre 1919. On y voit surtout le mûrissement moral et intellectuel d’un jeune provincial devenu correspondant d’un quotidien catalan à Paris, mais aussi, au fil de cette sorte de Bildungsroman, un long défilé de personnages, de paysages, de réflexions et d’histoires dont le résultat est aussi bien le portrait moral d’un pays que la construction d’un univers autonome. Tel quel, c’est l’un de ces livres rares et heureux qu’on peut ouvrir à n’importe quelle page et qui offre, à n’importe quelle page, quelque chose de plaisant et d’intelligent. C’est aussi, peut-être, la meilleure introduction à l’œuvre d’un écrivain indispensable.

Javier CERCAS (Libération, 20 mars 2013)

 

** Barcelone 1918-1919 revisité à l’âge mûr.

L’auteur du«Cahier gris», journaliste francophile et voyageur impénitent, est hanté par le paysage méditerranéen :

 

Au printemps 1924, Paul Valéry donne une conférence à l’Ateneu de Barcelone. Pour une fois, il n’est pas venu parler de poésie, mais de prose, et, curieusement, il ne parle pas de littérature française, mais provençale. Valéry affirme qu’une littérature reposant uniquement sur la poésie se convertirait inévitablement en une littérature moribonde. Et il donne comme exemple la littérature provençale qui, après avoir donné une extraordinaire poésie médiévale, ne put jamais ouvrir sur une grande littérature de la Renaissance. «Eloignez-vous des Provençaux, aurait-il dit, et cultivez la prose, cultivez systématiquement toutes les formes de prose.»

 

Dans le public, il y a un jeune journaliste nommé Josep Pla (1897-1981). Jamais il n’oubliera les paroles de Valéry. En ces années-là, Pla cache ses origines paysannes, s’habille comme un dandy, cherche à entrer dans le corps diplomatique, voyage frénétiquement à travers l’Europe entière, veut écrire comme Paul Morand. Ambitieux, il sait déjà combiner un particularisme cosmopolite, provocateur et intelligent, avec un usage moderne et efficace de la langue catalane, loin du régionalisme folklorique et du patriotisme post-romantique de l’époque. Sa première œuvre, publiée l’année suivante, empreinte son titre à Victor Hugo, Coses vistes (Choses vues). Le livre est un succès, la critique célèbre avec ferveur l’apparition d’une nouvelle voix«maître à penser».

Gaudi. Auteur d’une œuvre de plus de quarante volumes en catalan et d’une demi-douzaine en espagnol, Pla est un écrivain de la race de Hemingway et de Simenon. Sa littérature se situe dans un espace autobiographique où toute déviation par rapport aux règles du genre paraît la norme. Il se présente comme un mémorialiste. Ses pages sur l’architecte Antoni Gaudi, ses réflexions sur l’ultracatholicisme de Salvador Dali, son grand ami de l’Ampurdan, sa biographie du peintre Santiago Rusiñol ou du sculpteur Manolo Hugué, sont une partie de ses intérêts artistiques. Mais on ne peut oublier ses récits de marins et de contrebandiers, son livre sur Cadaqués, ses livres politiques, comme le portrait acerbe des rues de la Madrid républicaine, ses chroniques parlementaires où il pressent la guerre civile, ses réflexions sur le concept de catalanité. Pla observe la réalité avec une soif de vampire. Il aime décrire avant tout la vie quotidienne des gens humbles. Il écrit aussi des livres de cuisine traditionnelle. Ils ont passionné Manuel Vázquez Montalbán, pour qui «Pla est le prophète du régime méditerranéen».

Conservateur, sceptique, antipédant, hédoniste, politiquement incorrect, toujours intéressé par le pouvoir : sa pensée ne peut être réduite à une étiquette. Il a toujours été antirépublicain, avant même la proclamation de la Seconde République en 1931. Il le reste, bien sûr, durant les années agitées de cette République, et le restera jusqu’à sa mort. Quand la guerre civile débute, il n’hésite pas à soutenir Franco, comme une importante partie de la bourgeoisie catalane. Peut-être croit-il que c’est l’unique manière d’imposer un ordre politique et social. Mais il préfère ne pas voir qu’il en sortira une dictature. Appartenant dans l’après-guerre au camp des vainqueurs, il signifie vite que, en tant qu’écrivain catalan, il appartient à celui des vaincus. L’interdiction de la langue catalane et la violente répression culturelle le conduisent à rejeter le bilinguisme, à penser de manière critique ce qui a eu lieu. Il se réfugie dans un certain exil intérieur.

Le Cahier gris (1966) est le livre le plus significatif de Pla. Sa genèse textuelle est complexe : on y trouve toutCoses vistes, dissout et réélaboré. Pla a toujours présenté leCahier comme si c’était son véritable journal de jeunesse. Mais certains critiques ont découvert que des parties importantes avaient été publiées dans d’autres livres ou dans des articles postérieurs. Le Cahier gris est, en somme, l’origine et la synthèse de toute son œuvre.

Grippe. Le journal original existe et c’est, en effet, un cahier à couverture grise probablement refait dans les années 1950 et 1960. Il débute un jour après la fermeture, pour cause de grippe espagnole, de l’université de Barcelone où il étudie le droit. Il se termine, un an et demi après, à la fin des cours. Le protagoniste quitte Barcelone et se rend à Palafrugell, sa commune natale. Le journal est traversé par une véritable obsession, le paysage méditerranéen. Il y a des repas pantagruéliques, des cuites successives, des balades à la recherche d’hommes «primaires» (pêcheurs, chasseurs, paysans) qui paraissent en harmonie avec une nature instinctive et sauvage. Il y a aussi une réflexion ironique, et parfois cynique, sur la sensualité, les relations sexuelles, la manière dont la raison boite sous le poids des sens.

En janvier, l’université ouvre de nouveau ses portes. Pla revient pour écouter des professeurs vieillissants, qui l’agacent. Finalement, il entre à l’Ateneu, véritable école alternative, dotée d’une bibliothèque où il commence à écrire. Il traduit Jules Renard, fréquente les «tertulias» (cénacles se réunissant généralement au bistrot).

Le thème transversal du Cahier gris est la peur : peur de manquer ses examens, peur des femmes, peur de manquer d’argent, peur de ne pas réussir à devenir écrivain. A la fin, le lecteur bénéficie d’un livre écrit une fois les examens réussis, l’argent venu grâce au journalisme : ce journal, écrit avec le naturel et le charme propre au chemin stendhalien. Tout a été sacrifié à «la manie diabolique d’écrire». Seule subsiste la peur énigmatique des femmes. Mais ceci est une autre histoire… Le Cahier Gris et son auteur jouent aujourd’hui dans la culture catalane un rôle semblable à celui de Fernando Pessoa dans la culture portugaise.

 

Textes traduits de l’espagnol par Philippe Lançon

Xavier PLA (Libération, 29.3.2013)

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14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 16:54

credit-photo-olivier-allard.jpg  Bérénice Quinta.

 

 

** MESSE DU 15 AOUT  à PASSA (Monastir del Camp) :

 

Ce vendredi 15 août à 16 heures au Prieuré du Monastir del camp

une messe sera célébrée par le Père Dieudonné de Thuir 

(Violon et chants)  

 

 

 

*** 15 août au Mas BAUX :

 

L'étoile du soleil : quand Bérénice Quinta "joue" la poésie ...

 

Quand Bérénice Quinta s'invite au TCS, pour la 2ème grande soirée ORiginale du Mas Baux 

le 15 août à 20H20, cela devient "Tout un poème" ...

 

Pour sa deuxième grande soirée "ORiginale" au Mas Baux (Canet en Roussillon) le vendredi 15 août, le Théâtre Chez Soi  - dans le cadre de sa balade théâtralisée  "Des vignes et des ailes, ô vents d'anges"- donnera une nouvelle version de son spectacle de 18h à 19h, puis partagera la scène dès 20H20 avec la comédienne Bérénice Quinta. Pendant 55 mn, laissez chavirer vos émotions dans le tourbillon de poésies complètement "jouées", en plein cœur des vignes !

 

Une échelle rouge qui monte vers le ciel au beau milieu des vignes, une balançoire régressive "rouge"  au fond du jardin, un banc toujours «rouge»  dans la fraîcheur des chais, une paire d’ailes suspendue dans un arbre ... Gais, cyniques, passionnés, émouvants, drôles, des anges déchus déroulent tous les vendredis soirs d'été jusqu'au 12 septembre à 18h et à 20h20 treize saynètes, pleines de saveurs, dans un domaine viticole catalan : le Mas Baux, le bien nommé. 

Alors quand Bérénice Quinta propose aux neufs comédiens du TCS, dans le cadre de sa carte blanche -  de leur faire "Tout un poème" pour la nuit du 15 août, quoi de mieux ? Quoi de mieux qu'une soirée poétique dans un domaine viticole catalan du XVIII à la tombée de la nuit. Les mots se feront alexandrins, le chuchotement d'un texte berceuse,  les étoiles seront convoquées. "La poésie, dit Bérénice, touche au cœur des choses, révèle le beau, le sublime, l'absurde. Les poèmes ?  de vrais médicaments pour l'âme"

 

Mêlés au vin de la vigne et aux anges déchus, ils réuniront ce soir-là le ciel et la terre,  le divin et l'humain, comme dans le songe d'une nuit d'été... Hugo, Baudelaire, Vian, Prévert, Tardieu, Alexis HK, et même Dani, l'égérie perpignanaise, si chère à Bérénice dans sa chanson "Je voudrais que quelqu'un me choisisse..." feront exceptionnellement partie de son "manège à elle" pour une soirée "unique". Alors comme dirait Baudelaire : "courons vers l'horizon, il est tard, courons vite, Pour attraper au moins un oblique rayon !"

 

A noter : quelques soient les conditions météo, le spectacle sera joué.  Et également la prochaine Soirée ORiginales : le vendredi 12 septembre à 20H20 de Trio Scherzando dans «Voix d’Anges» (œuvres baroques, opéra et comédies musicales américaines, a cappella ou accompagnées au piano).

 

Balade Théâtralisée "Des Vignes et des Ailes". Mise en scène : Laurent PRAT Avec, par alternance selon la soirée : Geneviève BILLERACH, Martine COCQUEREZ, Emeline GIMENEZ, Martine GIMENEZ, Morgane LOYER, Emmanuelle MALE, Thibaut NASARRE, Guillaume NICOLAÏ, Laurent PRAT. Jauge : 50 spectateurs maximum par séance. Prix par spectateur : 13€, tarif réduit (étudiant, intermittent, chômeur…) 7€  et gratuit pour les enfants de - de 12 ans. Durée du spectacle : 55 minutes environ. 

Soirées  «ORiginales» Prix : 18€. Tarif réduit : 9€. Renseignements et réservations :  le Théâtre Chez Soi t. 06 58 40 38 11 www.letcs.fr. Mas Baux, Voie des Coteaux t. 04 68 80 25 04 www.mas-baux.com.

 

Bérénice en deux mots ? une «Enfant des Estivales», comme elle le dit elle-même. C’est en côtoyant les plus grands au sein du festival de Marie-Pierre Baux, qu’elle contracte en effet la passion du Théâtre. Après sept ans au conservatoire de Perpignan, quatre au cours Florent, une tournée avec Ginette Garcin et quelques courts métrages, Bérénice Quinta crée la Compagnie Tralalère avec laquelle elle jouera deux spectacles à Perpignan. Elle accorde beaucoup d’importance à l’écriture, à la musique des mots, pour le choix de ses pièces, d’abord avec Josep Pere Peyro dans «Quand les paysages de Cartier Bresson» puis en faisant confiance à un jeune auteur de 21 ans, Thibaud Favreau dans «Elle (ou presque)», qu’elle crée dans le cadre des Scènes Ouvertes des Estivales. 

C’est en février 2010, qu’elle rencontre virtuellement sur Facebook Arnaud Samson, dit Arnaldinho Gaucho avec qui elle noue une vraie amitié. En 2012, Arnaud lui propose d’écrire avec lui sur le site, maintenant fermé, du grand bazart. Très vite, ils tombent d’accord sur le thème d’une correspondance amoureuse. Le principe est simple, chaque semaine, à tour de rôle, ils s’écrivent une lettre, sans véritable schéma prédéfini à part un léger cadrage par des dates, et cette histoire d’amour va se construire, sous leurs yeux, en se surprenant l’un et l’autre autant que leurs lecteurs. Après une publication numérique, le livre est édité et présenté au Salon du Livre de Bruxelles, puis de Paris en mars 2013. 

THEATRE 

 

«Elle (ou presque)» de Thibaud Favreau. 

Estivales de Perpignan (été 2008)

«Quand les paysages de Cartier Bresson» de J. Pere Peyro. 

Estivales de Perpignan (été 2006) Compagnie Tralalère

Création Compagnie Tralalère, membre fondateur

«Hammam de femmes» de Rayana. 

Estivales de Perpignan (été 2005)

«Le clan des veuves» de Ginette Garcin. 

«Le petit théâtre d’Elisabeth» d’après Shakespeare (2001), 

m.e.s Eric Ruf

«Georges Dandin» de Molière (2001)

«Un pour la route» d’Harold Pinter (2001) 

 

CINEMA

 

Concours d’entrée court-métrage pour la FEMIS (2003)

«Pacotille», court-métrage d’Eric Jameux, nominé aux Césars 2004 (2002)

«Oh le bruit de l’eau», court-métrage de Vincent Marriette (2002)

8 court-métrages pour la FEMIS (2001) 

«Ergo», court-métrage de Tomas Nicodème diffusé sur Canal+ (2000) 

Publicité pour groupama (2005)

Publicité pour le Crédit Lyonnais (2002)

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13 août 2014 3 13 /08 /août /2014 12:33

images-copie-5.jpeg (C) Jaume Plensa

 

Je viens de revoir à Barcelone quelques retables de Martorell et, d'Antibes (Musée Picasso) à Nice (place Garibaldi), les sculptures impressionnantes et grandioses du Catalan Jaume Plensa (né en 1955 à Barcelone). 

Pourquoi ce petit pays, la Catalogne, donne-t-il naissance à autant de grands artistes..? (Dali, Miro, Picasso, Tapiès, Cuixart, Ponç, Gaudi, Barcelo, Grau-Garriga...)

 

 

 

** Catalanité : art classique et contemporain, religiosité et patrimoine

Publié le 6 août 2014 par Lux Catalunya

 

Retable de Saint Vincent

Longtemps, connu sous le nom de "maître de Saint Georges", la cohérence de l'oeuvre de Bernat Martorell et sa prédominance dans le gothique international catalan ont été reconnus à l'issue de nombreux travaux de recherche.

Lux Catalunya vous propose un voyage à la Cour d'Aragon que ce grand peintre catalan a représentée comme un décor, comme un univers dans lequel il a placé des scènes de la vie des saints. Dans la peinture de Martorell, la réalité porte la symbolique et la mystique devient réelle.

 

Des portraits méticuleux de la société du royaume d'Aragon

Sur cette vue de la "Décapitation de Saint Georges", le talent de miniaturiste de Martorell s'exprime avec une grande précision. Le sens du mouvement est donné à l'avancée de la foule massée par le pli des étoffes. La présence de différentes classes sociales dans les différentes oeuvres de Martorell donne lieu à un aperçu de la garde-robe de l'époque.

La mode est aux vêtements longs pour les personnages de pouvoir, tel Dacien qui porte un long manteau brun dont les manches sont ouvragées. Le chapeau rouge marque, souvent, le personnage qui occupe la position de juge ou de dignitaire.

 

Les bourgeois sont vêtus de riches étoffes brunes et vertes, au revers d'hermine parfois, et coiffés de chapeaux.

Les hommes et les femmes du peuple sont en tunique, déchirée, rapiécée et savates aux pieds.

 

Du goût de l'époque à une maturité artistique

Les procédés décoratifs utilisés par Martorell peuvent également nous renseigner sur le goût de l'époque et les tendances esthétiques en vogue.

 

Plaçant les décors des "vies de saints" dans sa contemporanéité, Martorell travaille les sols carrelés et les murs couverts de broderies. Dans le triptyque consacré à Saint Michel, Sainte Eulalie et Sainte Catherine (ci-dessus), Martorell s'inspire des motifs géométriques à la mode à l'époque dans lesquels certains auteurs reconnaissent une influence hispanique empreinte de courant" mozarabe".

Les fonds dorés travaillés de caractères fins et de motifs fleuris et variés pourraient corroborer cette hypothèse. Ces fonds sont aussi une des caractéristiques du raffinement de Martorell.

 

Concernant les scènes d'extérieur, le recours à des paysages arborés rappelle les primitifs flamands, tout comme le traitement morphologique des personnages. Pourtant, en privilégiant la représentation de la foule, Martorell se distingue vivement des principes caractéristiques de ce courant et développe, dans son approche des groupes, une stylistique personnelle.

 

Martorell a, sans doute, pris la mesure de l'essentiel des courants stylistiques porteurs à cette époque et a su en faire une fertile synthèse à partir de laquelle s'est affirmée son esthétique. Ce parcours témoigne aussi de l'ouverture et de l'enrichissement de l'art catalan à la Cour d'Aragon.

 

 

L'intervention divine représentée en nuée : la signature Martorell

Sur la plupart des tableaux de Martorell, notamment ceux qui consacrent la maturité de son style, l'artiste n'hésite pas à figurer l'intervention divine, avec le même réalisme que les scènes historiques.

Ce choix, qui peut paraître surprenant aujourd'hui, est fort logique à l'époque où la distinction entre le spirituel et le matériel n'est pas encore entièrement tracée. L'intervention divine n'est pas suggérée ; elle est clairement représentée, au coeur des scènes religieuses afin que le spectateur puisse identifier et retenir sa présence, sa manifestation et son implication dans le déroulement des évènements.

 

Dans la "Décapitation de Saint Georges", un ange apparaît dans une forme de nuée qui est un procédé typique de Martorell pour figurer les interventions divines. Le ciel semble s'ouvrir pour laisser passer l'ange et le porter. De l'autre côté, la foudre qui s'abat sur la Cour du proconsul Dacien pour venger le martyr de Saint Georges est également remarquable d'intensité.

Le retable des Saints Jean comporte également cet effet ; cette fois-ci c'est Dieu tenant un globe crucifère qui se trouve au centre de la nuée, penché vers le Christ pour apporter sa bénédiction à son baptême par Saint Jean Baptiste.

Il faut avouer que le rendu photographique de ce détail est bien en deçà des nuances et des vibrations qu'il produit lorsqu'on observe physiquement le tableau.

 

Sur une des rares oeuvres de Martorell consacrée à la Vierge Marie, l'Annonciation, on retrouve cette nuée, particulièrement accentuée, qui accompagne le message de l'archange Gabriel. Ce tableau, daté de 1427, est aujourd'hui conservé au Musée des Beaux arts de Montréal.

 

 

 

* Remerciements à ce blog passionnant : luxcatalunya.over-blog.com

 

(Catalanité : art classique et contemporain, religiosité et patrimoine)

Publié le 11 août 2014 par lux catalunya


En octobre 2012, Jaume Plensa a investi la Place Vendôme à Paris de ses sculptures monumentales.

 

Entre virtualisation croissante de l'existence et incarnation de l'éphémère, les personnages de Jaume Plensa nous renvoient à nos propres variations entre l'heure du jour et de la nuit.

 

 

En 2007, Antibes avait accueilli Jaume Plensa dans le cadre d'une exposition temporaire organisée par le musée Picasso. La ville a acquis en 2010 la sculpture monumentale Le Nomade en acier inoxydable peint en blanc, de 8 mètres de hauteur installée sur la terrasse du bastion Saint Jaume telle une figure de proue. Le visiteur peut entrer facilement dans cette sculpture creuse d'un géant formé de lettres blanches en acier soudées les unes aux autres. Elle représente un humain assis, une jambe repliée et le visage tourné vers la mer.Son visage est ouvert avec deux hypothèses possibles : soit les lettres n'ont pas pu se développer ou sont en cours de développement soit elles ont subi une désintégration. Jaume Plensa ne délivre aucune réponse définitive. C'est une invitation à un voyage à l'intérieur de la sculpture faite de vide et de silence voire dans l'espace. La pièce se trouve sur une roche non taillée délimitant un fragment de terre voire un monde. Dans la mythologie et dans l'Antiquité, il était courant de vouer un culte aux roches dont on estimait qu'elles étaient capables de prédire l'avenir. Chez les Sémites et les grecs, il est souvent fait référence au fait que l'homme est né de la pierre. Dans Les métamorphoses,Ovide raconte que les titans Deucalion et Pyrrha ont fabriqué une nouvelle race humaine après le fort déluge provoqué par Jupiter pour punir les hommes : les yeux bandés, ils ont lancé des pierres non taillées loin derrière eux et elles se sont transformées sans qu'ils s'en rendent compte en hommes et en femmes.

 

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