débat à la haute école d'art, 3 rue Foch, à partir de 18h:
"L'art est-il démocratique..?"
* D'un point de vue social il n'a rien de démocratique, c'est-à-dire, susceptible d'être accessible au plus grand nombre. Les oeuvres d'art sont chères et, de nos jours avec la spéculation qui règne dans le marché international, l'art est réservé aux grandes fortunes ou à des organismes bancaires.
Bien sûr, l'existence des galeries d'art et des musées constitue une ouverture pour le grand public.. Cependant, l'art est une question, avant tout, d'éducation : les gens peu cultivés ou non initiés, étrangers à la visite d'un lieu consacré à l'art, ont peur de venir dans un monde qu'ils ne connaissent pas…Les pauvres, marginalisés dans leur quartier, n'ont pas l'idée de franchir la frontière du ghetto pour pénétrer un univers qu'ils ne soupçonnent même pas; leurs préoccupations sont tout autres…
Même quand l'exposition ou l'entrée du musée est gratuite : on a constaté, lors de l'opération gratuité au Louvre, que c'étaient toujours les mêmes, les classes moyennes, les enseignants, les professions intellectuelles qui venaient…
On remarque aussi que la foule (de privilégiés, nommés plus haut, ou de touristes) se déplace pour les grands événements, parisiens surtout, pour les grands maîtres, les artistes connus (Van Gog, Cézanne) ou les mouvements bien installés (fauvisme, impressionnisme). L'art est devenu une affaire de mode : il faut aller voir l'expo dont on parle pour pouvoir en parler à son tour et surtout dire qu'on y était !
Ainsi, il n'y a guère que le street art qui soit actuellement accessible : sur les murs, la photo (ou la pub, quand elle est créatrice de formes nouvelles) constitue un ersatz de musée : une expo fugace, éphémère, gratuite et incessante… Elle n'est pas un "grand art", sauf quand sont montrées les oeuvres d'un Pignon Ernest, d'un Bansky, sur les façades des villes.
A part cette forme d'art urbain, destiné donc à un public populaire,l'art est non démocratique; il s'agit là d'une régression, d'un retour à la préhistoire, à une époque des origines de l'art -qui n'avait pas le statut d'art - quand le dessin était montré à toute la tribu sur les parois d'une grotte !
**L'art n'est donc pas démocratique; il est même anti-démocratique, car, le plus souvent, c'est l'oeuvre d'un seul individu donnant à voir un style punique, un univers fait de rêves ou de fantasmes personnels. Les oeuvres collectives sont rares, la création est individuelle, composée en marge de la société, loin des idées reçues partagées par le plus grand nombre.
En effet, l'oeuvre d'art maîtrisée, neuve, à l'écart de la norme (c'est la définition du "style") nous plonge dans le monde d'un artiste, qui ne nous donne ni le sens ni le code… A nous de trouver la cohérence, au public de prolonger l'oeuvre en lui trouvant des significations ou un réconfort, une consolation… Il en est de même en littérature; en poésie, surtout, par exemple avec celle de René Char : l'absence de repères, de langage commun, de syntaxe connue, exige effort de lecture pour comprendre, par exemple,le mécanisme de l'image…
Face à l'unicité, à "l'aura" de l'oeuvre (pour employer le mot de W.Benjamin, signifiant que l'oeuvre unique baigne dans un halo de mystère et de charme, même si le philosophe a montré que la reproductibilité permet une diffusion massive de l'image artistique), la foule s'éloigne souvent, choquée ou désorientée, quand la forme d'art est nouvelle, non encore intégré par l'imaginaire collectif : rappelons nous les scandales lors de l'expo des "Fauves" ou les critiques indignées à propos de Cézanne, des "impressions" de Monet ou des installations de Marcel Duchamp !
C'est avec le recul et la postérité que l'artiste maudit ou rejeté à son époque, est récupéré, inséré dans le musée, mémoire et conservation de l'histoire des arts. L'artiste retrouve alors une seconde vie grâce au musée et au livre d'art, mais son oeuvre n'est pas assurée d'être appréciée par tous et d'accéder ainsi à un statut démocratique : les foules connaissent Dali grâce à ses gesticulations médiatiques, mais ses toiles sont peu comprises et demeurent souvent encore aujourd'hui bien énigmatiques…
Jean-Pierre Bonnel
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** Jeudi 27 novembre à la galerie L'ISBA :
Marc JANSON, qui a aujourd’hui 84 ans et qui vit à Paris, a longtemps été un familier des Pyrénées Orientales et le village de Llauro est toujours fortement présent dans la mémoire de ses enfants.
Mais, avant Llauro, dans les années 50, Marc JANSON et sa femme Claude avaient pris l’habitude de passer l’été à Collioure. C’est à Collioure qu’il a découvert à 18 ans, que Marc JANSON est tombé sous le charme du Roussillon. Il avait entendu prononcer pour la première fois, le nom de Collioure chez la veuve d’un peintre cubiste. Un grand tableau figurait en bonne place chez elle. C’est Collioure dit-elle ; on voyait la citadelle austère, ornée de quelques tirailleurs sénégalais vaguant entre les barques et la mer.
René Pous, en ce temps là était l’accueillant seigneur de Collioure, et son dauphin Jojo, un enfant.
A l’époque, c’était surtout la peinture de Survage que l’on pouvait voir, tant chez René Pous que chez la mère Quintana.
Le souvenir du fameux séjour de Matisse et Derain, était présent par un Derain, nullement fauve d’ailleurs, qui figurait Don Quichotte un peu à la manière de Daumier, chez …. Futur maire de Collioure.
Mais dans ce temps là, le maire c’était le Dr Billard, qui enlevait, avec une patience d’ange, les épines d’oursins qu’on avait dans les pieds, et qui s’intéressait aussi à la peinture.
En 1954, ce fut l’été Picasso, omniprésent avec sa cour, comportant entre autres la veuve du sculpteur Manolo, que les pêcheurs regardaient d’un œil soupçonneux « Es une donne que fume ».
Le formidable instinct de Picasso lui faisait renifler une chose : les jeunes peintres subissaient d’autres influences (Kandinsky, Klee, Chirico, Picabia, etc…) et allaient échapper à son emprise. En conséquence, lui qui aimait plus que toute chose : séduire, déployait des trésors de charme et de gentillesse, avec tous les jeunes peintres, poussant l’abnégation jusqu’à faire semblant de s’intéresser à leurs balbutiements.
Nous avons vu Picasso, à la terrasse des Templiers, faire, en une heure environ, à l’encre de chine avec une plume baveuse qu’il essuyait constamment 20 ou 30 portraits du poète Marc Sabatier-Levèque, qui lui avait été recommandé par André Malraux, les dessins recueillis au fur et à mesure pour son fils et chauffeur Paulo, sauf destiné à orner « oratorio » pour la nuit de Noël de Marc Sabatier-Levèque.
Mais pendant ce temps là, naissaient très modestement, sous la tonnelle d’Etienne Espériquette, et ensuite dans un grenier prêté par René Pous, les premiers tableaux abstraits de Marc JANSON.
Et ces années 54, 55, 56 etc… sont illustrées dans la galerie d’Isabelle Bagnouls et Sophie Phélline par quelques tableaux peints dans la fraîcheur de cette tonnelle où Roland Barthes apparut pour la première fois, qui allait, dix ans plus tard, écrire sur la peinture de JANSON.
Ensuite c’est l’aventure des maisons de Llauro, la première en 1961-63, et la seconde en 1965-71, où nous vivions entrecoupé de voyages à Paris, Milan, Genève.
C’est dans la seconde maison que Marc JANSON a peint presque tous les tableaux qui ont été exposés à Paris, chez François Petit et chez Armand Zerbib, à Milan, au Palais des Beaux Arts de Bruxelles et à Genève.
A Llauro, Ludovic et Claude Massé, Bernard et Eva Nicolau, Bernard et Sabine Dauré, Georges Fa, Jacques et Ginette Nicolau, Jean-Claude et Catherine Valantin étaient constamment présents, et des tableaux de JANSON figurent dans leurs collections. Bernard Nicolau ayant même mis sur pied une petite société de collectionneurs.
C’est à Llauro que l’ange du bizarre est entré dans la peinture de JANSON. Pendant ce temps, à Paris, Patrick Waldberg, commençait à voir en lui un descendant du Surréalisme, en l’exposant à la Galerie Charpentier en 64 (Le Surréalisme, histoire, sources, affinités), et ensuite lui faisant la place que l’on sait dans la plupart de ses écrits, notamment dans « Les demeures d’Hypnos » où un chapitre lui est consacré. Dans le même temps, il exposait en 68, à la Fondation Maeght (Bilan d’Art Actuel 1965-1968) etc…
Revenu à Paris dans les années 70, ses tableaux sont pleins de « citations », l’air et la lumière respirables dans le Roussillon où circulent aussi les Diables Véloces de la Tramontane.
* Isabelle Bagnouls et Sophie Phéline
ont le plaisir de vous convier au vernissage de l’exposition
JANSON
DANS LE VENT CATALAN*
Six décennies de peinture : 1953 - 2010
Jeudi 27 novembre 2014 à partir de 18 h 30
Exposition du 28 novembre au 31 janvier 2015
La Galerie est ouverte du jeudi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous Isabelle Bagnouls 06 75 79 18 17 Sophie Phéline 02 71 49 55 27
Nous remercions Benoît et Sybille Janson pour leur collaboration. *Le titre est une citation de l'artiste.
Complément à la liste des expositions qui figurent dans le petit livre paru en 1999 :
Paris : Galerie Nicolas Deman, 2000
Galerie Triangle, 2000
Galerie Europe, 2004
Et nombreuses expositions de groupe :
Musée Ingres, Montauban, 2011, 2013
Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, 2012, 2013, 2014
Galerie Michel Broomhead, Louvre des Antiquaires, Paris 2005, 2006, Deauville etc…
Galerie Boulakia, Paris 2012, 2013, etc…