Littérature : un thriller en pays catalan, par
Racou, petite crique ente sable et rochers, petit coin d'paradis en Catalogne vermeille, éphémère commune libre, mais les Communards se sont embourgeoisés et le hameau se voue au tourisme, en appelle au jazz, l'été, comme pour se perdre telle Collioure la proche, dans le consumérisme de masse...
Les villas implantées dans le sable sont condamnées à une mort lente, et on accuse le port d'Argelès, le changement climatique, et même Macron... Avant que le proche avenir n'emporte cette nichées de cabanons égoïistes, il faut lire le polar littéraire d'Yza Dambressac, qui, d' origine bordelaise, se passionne pour la Catalogne et ses lieux poétiques...
Le personnage principal, Irène, directrice d'un cabinet d'enquêtes à Perpignan, est campée, avec ses seins mûrs et beaux, dans ce territoire sudiste, dans notre "Catalogne cigale", "comparée à la "Catalogne fourmi", sa cousine l'Espagnole ! Quoique, la crise économique était en train d'unifier les deux dans le même marasme." (page 12)
La lunette du narrateur se rapproche du "petit coin",ce hameau du Racou "passé peu à peu des mains des hommes de la mer à celles des touristes ou de locaux amoureux fous de ce petit coin du monde..."
Le roman s'amarre dans ce lopin édénique, et dans une villa "celle au gros tamaris et à la grande baie..." (page 139), qui perdure, malgré l'effet cévenol, après la dévastation des maisonnées de la première ligne... Il était judicieux de situer le thriller dans ce coin de mort car les 271 pages passionnantes décrivent les investigations autour de sept crimes commis par un serial-killer.
Yza s'inspire sans doute des jeunes femmes disparues de Perpignan, mais son originalité est ailleurs :
-dans cette alternance des point de vues narratifs, le criminel donna son point de vue, nous éclairant de l'intérieur, alors que le narrateur ou la protagoniste en savent peu sur la vérité du sinistre individu...
-dans ce dénouement inattendu où le mythe du double et de la gémellité offre sa force fictionnelle et psychanalytique suggestive !
Après la page 131 où le narrateur dévoile la semaine du tueur, le lecteur aboutit à deux passages érotiques (Irène et Marco, p.180) et sensuels (dans la voiture, le criminel et une avocate, p.193), très bien écrits...
On préfère ces tableaux du corps aux analyse diplomatiques superficielles (p.33), aux allusions politiques superficielles sur la corruption du maire de Perpignan (et d'ailleurs...) (p.157 et 217)...mais la stature tutélaire du Canigou domine l'écriture très dialoguée, théâtrale, même s'il n'est pas la montagne la plus haute des Pyrénées-orientales (page 99)...
Enfin, j'ai bien aimé les allusions à des amis du coin, comme le photographe de Collioure Marc Gilmant (p.62), Marco Spelta, prof de lettres classiques à St-Estève ou Charles, le poète-philosophe-correspondant de Céret, récemment disparu...
Dans la série de ces rimes et viols abominables, le lecteur reçoit ces clins d'oeil comme des invites à aimer, malgré tout, la vie, et la beauté du rivage ravagé de la côte sableuse...
J.P.Bonnel
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Yza Dambressac
L’auteure, diplômée d’une licence de Lettres Modernes et d’un DEA d’Ethnologie se glisse dans la peau d’Yza Dambressac. Le voyage fait partie de ce qu’elle appelle ses « réflexes » : Europe bien sûr, Maroc, Mali, Asie, Amérique latine, Polynésie, Nouvelle-Zélande, Australie et Nouvelle Calédonie où elle sut séjourner plusieurs années pour y écrire des romans-jeunesse… Mais elle sut aussi s’arrêter longtemps en Catalogne Nord, pays où elle dit avoir « bouturé » et où elle revient toujours…
Diplômée de Lettres et d’Ethnologie, Yza Dambressac a longtemps travaillé avec des jeunes. Elle a beaucoup voyagé et s’est donc exercée à observer beaucoup. Comme elle a l’habitude de dire en regardant la vie défiler autour d’elle « Mes personnages me sont donnés, je n’ai même pas besoin de les inventer ! »
Elle aime inscrire ses romans dans les lieux où elle habite. Egalement auteur de quatre romans jeunesse sous un autre nom, elle tisse du vivant, avec les mots mais dans ses thrillers, elle tisse du vivant jusqu’à la mort !
Sous X, éd. Les Presses littéraires, 2013 (roman).
*** Sous X - Yza Dambressac
Qu’il fait bon vivre dans le sud de la France, en Catalogne du nord ! Région tellement prisée des touristes de toute l’Europe, mais attention, belles jeunes filles brunes ! « il » vous y attend ! Oui, « il », un prédateur qui vous surveille ou bien profite des opportunités…
Dans ce thriller, qui se passe aux alentours de Perpignan, l’enquêtrice, Irène de Franqueville, pourtant juste en retraite dans son adorable hameau du Racou, non loin de la frontière espagnole, sollicitée par son ex-collaborateur et ami, va se sentir obligée de reprendre du galon. Comment pourrait-elle résister devant ces macabres découvertes qui défraient la chronique ?
Dans une des régions les plus ensoleillées de France, l’horreur va-t-elle définitivement éclipser l’image d’un paradis touristique ?
ISBN : 978-2-35073-726-3
11,5 X 17, 272 pages
n°39 de la collection - 12,00 €
IL ÉTAIT UNE FOIS LE RACOU
EL RACÓ
Au sud d’Argelès-Plage, au nord de Collioure, entre mer et montagne, le littoral forme une anse où se niche le hameau du Racou.
Le Racou , «el Racó », signifie le recoin en catalan. Situé à la charnière entre la côte sableuse au nord, la côte rocheuse au sud et l’arrivée des Pyrénées dans la mer par le massif des Albères, c’est un des lieux les plus typiques du littoral catalan. Les premières mentions du Racou (« Racho » dans les textes officiels) remontent au XVIème siècle. Le lieu est avant tout connu pour son abreuvoir idéalement situé sur le chemin menant à Collioure.
1910
L’urbanisation de la plage débute vers 1910. A cette époque, on trouve quelques cabanons en bois construits sur le relief dunaire, des cabanes de pêcheurs en roseau et de rares promeneurs en habits du dimanche. La notion de tourisme est inexistante .
LES ANNÉES 30
Les premières maisons « en dur » apparaissent dans les années 30 . Le sud du Racou comporte alors, en front de mer, une à deux lignes supplémentaires de maisons. La mairie d’Argelès y loue des parcelles qui seront mises en vente après la guerre. Les Racouniens se débrouillent avec les moyens du bord : barbecues, lampes à pétrole et eau saumâtre obtenue en sondant le sol à 2-3m de profondeur permettent de cuisiner.
FIN DES ANNÉES 40
Croisillons en fer, pyramides en béton immergées… les stigmates du conflit mondial récemment achevé sont peu visibles sur les anciennes cartes postales mais bien réels. L’armée allemande, craignant un débarquement sur la côte catalane avait installé une batterie sur la colline du Racou et rasé, en 1943, la première rangée de maisons en bois pour se chauffer et améliorer la surveillance de la côte par les guetteurs . C’est aussi l’époque de la construction des fameuses pyramides en béton, anti-débarquement, sur la plage et de la destruction de la « Torre d’en Sorra », ancien moulin à farine, dynamitée par les Allemands le jour du débarquement en Normandie le 6 juin 1944 et chantée par Jordi Barre.
APRÈS LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Le hameau du Racou se développe après la seconde guerre mondiale. Des parcelles et des maisons sont vendues par la commune. Quelques constructions commencent à s’élever du côté droit de la rue principale en cul-de- sac à la place des vignes à partir de 1948 et une opération de lotissement approuvée par le Préfet des Pyrénées-Orientales est lancée en 1955. L’électricité arrive en 1956, l’eau en 1957 et les égouts en 1958.
Plus qu’un simple quartier d’Argelès, ce lieu est presque un village à part entière qui a su garder son ambiance familiale sans barre d’immeubles dénaturant le littoral. Les maisonnettes blanches forment d’étroites ruelles de sable ombragées au travers desquelles flotte une atmosphère délicieusement rétro. Il y fait bon se baigner ou se promener le long des rochers pour y découvrir de minuscules criques sauvages. A même les rues de sable, des barbecues improvisés permettent aux voisins de se rencontrer en préparant cargolades, grillades ou poissons pêchés du jour et en buvant un « cop de vi blanc ».
14 JUILLET 1957
Le jour de la fête nationale, les Racouniens se sentant abandonnés par la municipalité argelésienne, proclament l’indépendance du hameau avec la « Commune libre du Racou » qui eut pour « maire » M. Astruc adjoint à la mairie d’Argelès. Sa devise était :
14 JUILLET 1957
DES ANNÉES PLUS TARD
Six années plus tard, un putsch « pour rire » mettra fin à l’aventure. Cette action d’éclat, qui n’a jamais eu de valeur légale, permettra au Racou d’asseoir durablement ses particularités culturelles. Elle déboucha sur quelques réalisations dont l’attribution de noms catalans aux rues : Passatge del Sept i mig, Avinguda de la torre d’en Sorra, Passeig dels Franquets, Carrer lo pardal, Carrer de la Cargolade…1.
Les congés payés amènent leur lot de touristes, de nouveaux propriétaires et quelques commerces. Les constructions se multiplient au niveau du village de sable et quelques familles y vivent en permanence. Par contre, rares sont les constructions de l’autre côté de la rue principale.
A cette époque, durant les mois d’été, alternant avec le cinéma ambulant, Georges Barre chante Bécaud, Barrière, Ferrat à « la Caravelle » qui était une sorte « d’auberge espagnole » ….. Un jour, il devint Jordi et choisit de chanter en catalan ce qui coïncida avec une « prise de conscience catalane » qu’il accompagna durant trente ans. « Vivre, travailler et chanter au pays », pourrait être la devise de Jordi Barre. Charles Trenet y avait également ses habitudes et venait régulièrement s’y baigner.
Malgré l’explosion du tourisme, le village n’a pas perdu son originalité qui, autant que son cadre de vie exceptionnel, fait son charme. Le Racou a su garder des dimensions modestes et il est aussi agréable de bronzer sur la plage au sable grossier que de s’attabler aux terrasses des cafés et des restaurants.
En dépit de certaines rumeurs, les maisons et terrasses en front de mer n’ont jamais empiété sur le Domaine Public Maritime (DPM) (jugements du TA de Montpellier et de la CAA de Marseille). En 1999, l’expertise du tribunal administratif plaçait la limite du DPM sur la plage « 12 à 20 mètres » devant les habitations. Tout le vieux village, en y incluant la première ligne de maisons, s’est créé dans une parfaite légalité.
Si les projets immobiliers ont été bloqués au Racou, ce ne fut pas le cas six cents mètres au nord où l’on vit surgir Port-Argelès… Mais ceci est une autre histoire !
(C) Le site Le racou.fr et Albera
1 Ces années 50 à 60 sont bien décrites par Andreu Capeille dans la revue Massana : Annales n°25 : « Le Racou de l’après-guerre à 1960 »